You and me, we got big reputations + ft. Nico

Dormir n’était pas facile pour le fils d’Hadès. Ses nuits étaient perturbées par des flashs qui le faisaient sans cesse revenir à une époque qu’il aurait préféré oublier. La guerre avait laissé des séquelles irréparables chez Nico et même si le temps passait, il lui arrivait encore de se réveiller en sueur, le souffle court et le cœur battant à tout rompre à cause d’un cauchemar dans lequel il entendait encore les voix de ses pires bourreaux. Les terreurs nocturnes se faisaient si fréquentes que bien souvent, il se demandait si le fait d’aller se coucher le soir en valait véritablement la peine. Pourtant, quand le jeune réussissait à dormir une nuit entière sans être dérangé par des visions atroces, il pouvait dormir presque quatorze ou même seize heures sans interruption. Cette nuit-là, ce n’avait pas été le cas. A peine avait-il fermé les yeux que Nico revoyait déjà les profondeurs du Tartare et les monstres qu’il avait pu croiser là bas. Il se sentait à nouveau enfermé, restreint dans un espace tout petit, suffoquant en essayant de respirer. Ne laissant pas le temps au décor de changer pour l’amener à un autre endroit où il détesterait revenir, l’adolescent se redressa d’un coup sur son lit.

Respirant difficilement, le cœur battant de plus en plus fort et les pensées sombres qui se frayaient doucement un chemin dans son esprit, il n’en fallut pas plus à Nico pour comprendre que la crise de panique était déjà là. Il fallait qu’il arrive à se calmer, à reprendre ses esprits et à penser à autre chose. Aussi, il se leva rapidement de son lit pour aller à la salle de bain prendre une douche froide qui ne l’aida que trop peu. Si ça lui avait permis de retrouver son souffle et de calmer les battements de son cœur, les pensées sombres ne le quittaient plus. Si toutes ces choses faisaient partie du lot quotidien des demi-dieux, c’était particulièrement difficile pour Nico qui avait en plus l’impression de ne plus avoir aucun point de repère dans ce nouveau monde. Il aurait tout donné pour voir Hazel franchir le pas de la porte et venir le prendre dans ses bras, ou écouter les conseils de Reyna sur la gestion de ses émotions. Il aurait même espérer voir Jason venir s'asseoir près de lui pour lui servir un discours maladroit sur le fait qu’il n’est pas seul et qu’il peut compter sur ses amis.

C’est la tête remplie de pensées intrusives que Nico se décida à quitter son chez lui pour aller courir. Il fallait vraiment qu’il essaye de se vider la tête, et bien souvent, c’était quelque chose qui l’aidait à se recentrer sur lui-même. L’activité physique était presque un mécanisme pour le demi-dieu qui était encore formaté pour se battre à tout moment. Il ne lui était donc pas étrange de courir pour se dépenser et se sentir plus léger. En général, ça fonctionnait même plutôt bien. Chaque fois qu’une pensée intrusive venait le déranger, il se donnait un nouvel objectif à dépasser et ne se concentrait plus que sur ça. Enfin presque. Il faut dire que ce n’était pas toujours facile de garder une seule idée en tête mais cette réflexion aussi, elle valait mieux que les pensées sombres qui l’agitaient la nuit. Au moins, quand il courait, il n’avait plus autant l’impression d’être pris au piège et d’étouffer. Néanmoins, à nouveau, il se perdit à vouloir trop se dépasser et du s’arrêter, le corps ne suivant plus le rythme imposé par ses pensées. Doucement, il s’arrêta dans sa course pour reprendre son souffle, les poings sur les hanches.

Pris dans le flot de ses pensées, l’adolescent n’avait pas vu qu’il n’était plus seul et ne faisait pas vraiment attention à ce qui se passait autour de lui. S’il avait été dans son monde, cela aurait probablement été une erreur fatale de la part du jeune homme mais ici, à Nemaia, il se sentait assez en confiance pour déconnecter légèrement de la réalité. Réalité qui le frappa d’un coup quand il entendit une voix qu’il n’avait pas entendu depuis si longtemps maintenant qu’il crut pendant une seconde qu’il était à nouveau dans son lit, sur le point de faire un nouveau cauchemar. Relevant brusquement la tête, il reconnut presque instantanément la chevelure blonde qui se trouvait devant lui.

« Elena ? »

Le prénom de la fille d’Apollon était resté gravé dans son esprit depuis le premier jour qu’il l’avait vu. A la colonie, elle faisait partie des personnes avec qu’il avait réussi à construire quelque chose de différent, qui s’approchait de l’amitié. Elena était l’un des visages que Nico cherchait dans la foule, inlassablement depuis qu’il était arrivé. S’il n’était pas parmi les personnes les plus démonstratives, il ne put s’empêcher de sourire.

« Ça faisait longtemps. » Dit-il doucement.  « Tu m’as manquée. »

L’enfant d’Hadès se sentait seul depuis son arrivée à Nemaia. S’il avait eu la chance de retomber sur Percy, il avait l’impression qu’ici, il n’avait aucun véritable repère. Dans son propre monde, il lui avait été si difficile de trouver un véritable équilibre qu’il avait parfois l’impression qu’il n’en serait plus jamais capable. Un peu comme si une divinité quelconque, peut-être même juste le karma, avait décidé de le priver de ce qu’il arrivait à construire à chaque fois qu’il commençait à se sentir bien et en sécurité. Enfin, s’il n’avait aucune idée de ce qu’il faisait là et de pourquoi il avait fini ici, Nico n’avait pas envie de blâmer tout ce qui ne va pas sur le destin ou une bêtise du genre. Non, il était parfaitement conscient d’être le premier responsable à son manque de sociabilisation et par ses éternelles difficultés à faire confiance et à s’intégrer. Peut-être que les choses auraient été plus facile s’il n’avait pas eu besoin à ce point de retrouver ses anciens amis et sa sœur. Il faut dire que Nico n’a jamais été doué pour le changement. Le jeune homme avait tendance à préférer vivre dans le passé, c’était plus rassurant que de sauter dans l’inconnu.

C’est sans doute une des raisons qui le rendaient aussi heureux de retrouver Elena. La fille d’Apollon faisait partie des gens à la fois les plus doux et gentils qu’il connaissait et des gens les plus redoutables. S’il devait partir au combat avec quelqu’un, il aurait pu le faire avec elle les yeux fermés. Enfin, du moins à l’époque. Maintenant, il en était plus certain de vraiment savoir qui était la femme devant lui. Plus âgée que l’Elena qu’il avait connu, il était pourtant tellement heureux de la revoir qu’il ne fit presque pas la grimace quand elle le prit dans ses bras. En réalité, il aurait presque même apprécié le moment s’il n’avait pas été surpris par l'étreinte. Enfin peut-être pas. Si elle ne l’avait pas pris au dépourvu, peut-être qu’il aurait pu avoir un mouvement de recul qui aurait pu décourager la blonde de lui faire un câlin. Légère marque d’affection que ne dura que quelques instants.

« T’en fais pas, pour cette fois je te pardonne. » Dit-il, avec un petit sourire avant de répondre à la question de la chanteuse.  « Et bien pas si longtemps que ça. Il y a quelques semaines déjà, peut-être un peu plus. »

Son regard se posa sur son ancienne amie. Depuis quand était-elle là ? Est-ce qu’il l’aurait remarqué si elle avait disparu ou est-ce que c’était comme une empreinte fantôme qui restait dans leur monde quand quelqu’un disparaissait pour laisser croire aux autres que tout était normal ? Dans ce cas, est-ce que son absence à lui aussi était passé inaperçu ? Après tout, lui-même n’avait pas l’impression qu’Elena avait été arrachée à leur univers et Percy semblait même pas arrivé de la même époque. Ces questions passèrent brièvement dans l’esprit de Nico qui se promit d’y réfléchir plus tard. Pour l’instant, il avait surtout envie d’en apprendre plus sur la femme qui se tenait devant lui. Qui était cette Elena Kythe ? Avait-elle beaucoup changé ? Que devenait-elle maintenant ? Prenant une légère inspiration, le jeune homme chercha un peu ses mots avant de se lancer et de poser ses questions.

« Et toi alors ? Tu as tellement changé ! Est-ce que ça fait longtemps que tu es ici ? » Sans vraiment laisser le temps à Elena de répondre, il enchaîna.  « Est-ce que tu serais d’accord de me parler de toi ? »  

Le sourire sur le visage de Nico ne le quittait plus. Il était sincèrement heureux de revoir Elena, même si tout ça paraissait presque surréaliste. En y repensant le lendemain, il se dira probablement qu’il a du rêve, que tout ça est trop beau pour être la réalité. Trop perdu et désespéré de retrouver ses proches, il était certain qu’il finirait par se dire que tout ça n’est qu’une invention de son esprit désespéré. En attendant, le fils d’Hades était bien plus heureux qu’il aurait voulu le reconnaître.

« Pas vraiment, pour être honnête. Ça fait encore vraiment bizarre. »

S’il était là depuis assez longtemps pour avoir commencé à étudier et trouver un poste de vendeur, Nico n’avait toujours pas vraiment de repère à Nemaia. Certes, il commençait à assez bien connaître les lieux pour se retrouver sans se perdre et il y a des noms qui commençaient à prendre de l’importance à ses yeux, mais tout ça était encore si neuf qu’il avait encore l’impression qu’à n’importe quel moment il lui faudrait fuir loin. Il s’attendait presque encore à voir surgir quelqu’un qui lui annoncerait que tout ça n’était qu’une mise en scène et qu’il a été bien bête de croire que ça pouvait être réel. La vérité, c’est que le fils d’Hades commençait sincèrement à se plaire dans cette nouvelle vie et redoutait qu’elle ne prenne fin plus vite qu’il ne le veuille vraiment.

Mentalement, il se réprimanda. Ce n’était pas le moment de penser à des choses pareilles. Il ne fallait pas qu’il succombe à ce genre de pensées intrusives. L’adolescent se força à continuer de sourire. Il y avait des choses positives dans sa vie, et le fait de retrouver Elena en faisait partie. Il ne fallait pas qu’il se perde à s’imaginer seul et sans personne à nouveau.

« C’est une très bonne idée. » Dit-il, suivant Elena. « Je suis vraiment curieux d’apprendre ce qui s’est passé depuis les dix années que tu as passé ici. »

Avançant lentement en suivant son ancienne amie, Nico finit par se dire que peut-être que finalement, peu importe pourquoi il était là et comment il était arrivé ici. C’était une deuxième chance d’avoir une vie plus heureuse et de réussir à se sentir en paix avec lui-même. Si Elena était ici depuis déjà si longtemps, peut-être était-ce une bonne chose qu’il ait fini par la rejoindre lui aussi ? Il espérait, en tout cas, que son amie était aussi heureuse de le revoir qu’il l'était.

« C’est étrange, tout ça, quand même. Tu ne trouves pas ? » Finit-il par demander.

Cette question, elle brûlait les lèvres de Nico depuis un moment déjà. Chaque fois qu’il apprenait un peu plus à connaître quelqu’un ou qu’il avait une conversation un peu plus profonde. Au fond de lui, le jeune homme avait seulement besoin de se rassurer et de savoir qu’il n’était pas le seul à ne pas tout comprendre.

« Enfin, je veux dire, je suis vraiment heureux de te revoir et les choses ont l’air vraiment bien ici mais c’est complètement incroyable de se retrouver comme ça. »

Le temps est une chose bien étrange et totalement relative. Par moment, une minute semblait paraître une heure quand une heure pouvait parfois sembler n’être quelques secondes. Le concept de temps était déjà quelque chose de bien compliqué comme ça, sans pour autant rajouter en plus ce que Nico qualifierait d’anomalie temporelle. Depuis combien de temps était-il là ? Une semaine ? Un mois ? Une année entière ? Non, ça ne pouvait pas faire si longtemps que ça. Peut-être deux ou trois mois, pas plus que ça. Son premier réflexe avait été assez rapidement de chercher à trouver des repères. Il avait ce besoin presque vital de garder un point d'ancrage dans la réalité, quelque chose auquel il pourrait se rattacher quand l’angoisse le prendrait à nouveau. Quelque chose sur lequel il pourrait se reposer pleinement, peu importe les circonstances. Pour l’instant, il n’avait pas encore réussi à trouver cette chose. C’était encore un peu difficile, par moment, de relativiser et d’oublier toutes les pensées négatives et de ne pas repenser aux cauchemars qui hantaient trop souvent ses nuits.

« J’espère, je t’avoue. »

Continuant de suivre son amie, Nico ne put s’empêcher de se faire la remarque d’à quel point le temps était parfois étrange. Il avait l’impression que ça ne faisait quelques semaines qu’il n’avait pas revu Elena quand celle-ci était déjà là depuis si longtemps ! La curiosité finit par vaincre son envie de comprendre et finalement, il ne put s’empêcher de dire à la fille d’Apollon qu’il avait très envie de savoir ce qu’il avait manqué. Avant qu’il n’arrive à Nemaia, quand ils étaient encore dans leur univers, Elena faisait partie des rares personnes en qui le fils d’Hades avait véritablement confiance. Il lui avait racontée certaines choses qu’il n’aurait jamais osé confier à d’autres. Aussi, c’était un peu naturel pour lui d’avoir envie de savoir ce qu’était devenue son amie.

« Un bar ? » Répéta-t-il après elle. « Je ne t’imaginais pas ouvrir un bar, je pensais plutôt que tu deviendrais une musicienne connue dans le monde entier. »

Malheureusement, venant d’une autre époque et n’ayant jamais vraiment essayé de se confronter à la technologie, Nico n’avait ni téléphone portable ni ordinateur. Il n’utilisait même pas de télévision. On peut dire, en quelque sorte, qu’il avait vécu entièrement coupé des informations depuis qu’il était sorti du casino Lotus. Aussi, il ignorait totalement qu’en plus d’être la propriétaire du Churchill, Elena était une chanteuse talentueuse qui avait déjà une belle carrière.

« Enfin, tu me diras, il y a encore pas si longtemps, je m’imaginais à peine réussir à survivre la semaine entière alors se projeter autant dans l’avenir… »

Triste réalité que le jeune amie savait que son amie comprenait parfaitement. Être un demi-dieu, c’était parfois incroyablement difficile. Souvent, l’adolescent s’était dit qu’il n’arriverait jamais à avoir la majorité, et maintenant, il avait déjà dix-huit ans. Si ce n’était pas encore la majorité aux États-Unis, ça l’était en Italie, et il s’étonnait parfois d’avoir déjà réussi à franchir ce cap.

« Je suis désolé pour le temps que tu as passé seule ici. »

En disant ces mots, Nico était sincère. Il aimait beaucoup Elena et la perspective qu’elle ait passé autant de temps ici sans savoir si elle reverrait un jour ses proches lui brisaient sincèrement le cœur. Il n’était pas là depuis si longtemps que ça, mais Hazel lui manquait terriblement. Il pourrait presque tuer pour retrouver sa grande sœur. L’attente et l’incertitude avaient dû être un supplice pour Elena.

« Tu sais quoi ? J’ai revu Percy. C’était vraiment bizarre comme situation et ça a été vraiment bref, mais c’est étrange de le revoir ici, lui aussi. »

Avait-il finit par dire. S’il ne lui avait jamais dit ça avec des mots, Nico savait très bien qu’Elena avait toujours su pour son crush sur Percy.

Nico écouta les mots de son amie avec beaucoup d’attention. Il aurait aimé pouvoir être là avec elle quand elle s’est lancée dans sa carrière, pouvoir la soutenir et l’aider dans les moments de doute. C’était sans doute un regret qu’il garderait pour le restant de ses jours mais ce n’était certainement pas quelque chose qu’il verbaliserait. Si le fils d’Hades aimait particulièrement la fille d’Apollon, il n’était pas certain d’être légitime pour dire une chose pareille. Après tout, ça faisait dix ans pour Elena alors que lui avait l’impression de l’avoir laissé il y a seulement quelques semaines. La chanteuse avait probablement refait sa vie, et oublié l’ennuyeux petit Nico. Il faut dire qu’à la colonie, le jeune homme n’avait jamais réussi à vraiment trouver sa place et malgré les épreuves qu’il avait pu traverser, il ne se sentait toujours pas important pour ceux avec qu’il avait autrefois combattu.

« Je comprends. Ça a l'air d’être une belle histoire. » Commença-t-il avant de se retourner vers son amie. « Si tu as réussi dans la musique, il faut vraiment que je trouve une de tes casquettes… Non, un disque plutôt. Pardon, parfois j’ai encore un peu de mal avec tout ça. »

Si Nico avait connu les gramophones et les disques vinyles, quand il était encore au Casino Lotus, il avait découvert les cassettes et les lecteurs qui vont avec un des autres prisonniers. Il n’était pas encore familier avec le principe des petits CDs bien plus facile à transporter et écouter qu’un vinyle sans les inconvénients des cassettes de musique. Ne parlons même pas de la musique en streaming, le fils d’Hades ne voulait pas approcher les appareils électroniques tels que les ordinateurs ou les téléphones portables. Ces choses-là lui faisaient peur.

« J’ai commencé à prendre des cours. »

Ce fut un peu brutal, dit comme ça, dans la conversation. Il faut dire qu’en termes de projet, c’était peut-être encore trop tôt pour dire qu’il en avait véritablement, si ce n’est de sauter le pas et d’enfin réussir à parler d’autre chose que de la météo et des commandes des clients avec Regulus. C’était encore beaucoup trop difficile pour Nico de s'imaginer au même endroit dans deux semaines. Il faut dire qu’il a sans doute passé trop de temps à fuir les monstres, les dieux, les prophéties et les autres demi-dieux pour réussir à penser que cette fois, ça serait pour de bon.

« Je sais que ce n’est pas beaucoup, mais je vais à l’université. » Reprit-il un peu comme s’il récitait un discours qu’il connaissait par cœur. « Et j’ai un travail à mi-temps aussi. Tu peux y croire à ça ? »

Pas facile ? Certainement. Hazel lui manquait horriblement. Il n’oserait certainement pas le dire, mais Jason aussi. Il aurait aimé pouvoir serrer sa grande sœur dans ses bras et rire avec l’un de ses meilleurs amis en leur racontant à quel point c’est incroyable la fac et à quel point Regulus avait l’air d’être un garçon fantastique. Néanmoins, ça aurait été bien égoïste de sa part de formuler tout ça. Elena avait dû vivre tellement pire ! Nico se contenta de hausser les épaules, préférant parler de Percy que de s’étendre plus sur ce sujet là.

« Oh tu sais, Percy sera toujours Percy. » Dit-il, riant légèrement à la question de son ami. « Ça m’a fait bizarre de le revoir. Il ne savait plus du tout qui j’étais. »