I needed to lose you to find me. [ LIBRE ]

La cloche du glacier tintait doucement chaque fois que la porte s’ouvrait. Nico n’y prêtait pas vraiment attention, absorbé par ses pensées, comme d’habitude. Le même spectacle défilait sous ses yeux chaque jour : les clients arrivant, leurs commandes passées dans un flot de routine, les cuillères frappant contre les bols. Un travail comme un autre, et pourtant, il y trouvait une forme de tranquillité, un semblant de normalité. À Nemaia, les soucis semblaient plus éloignés, comme si la ville elle-même étouffait les échos du passé, dissimulant les démons sous un voile d’indifférence.

Pourtant, même ici, dans cette simplicité presque apaisante, il ne parvenait pas à se défaire de ce qui l’occupait depuis plusieurs mois. Un regard, un sourire, une conversation silencieuse. Regulus. Ce prénom, pourtant tout récent, flottait maintenant autour de lui comme une ombre, un spectre qu’il ne pouvait ignorer. Nico n’avait pas cherché à en tomber amoureux. Ce n’était pas dans ses plans. Il n’avait jamais cru que quelqu’un, un jour, briserait cette barrière qu’il avait érigée autour de lui. Mais les regards de Regulus, les silences qu’ils partageaient… Cela avait changé quelque chose en lui. Une fragilité insoupçonnée.

Il s’échappa un instant de ses pensées pour observer les rues, vides à cette heure, la neige tombant lentement, recouvrant la ville d’une couverture blanche. Parfois, il se demandait si tout cela était réel. Était-ce seulement un autre chapitre de son histoire, ou était-il simplement pris dans un cercle sans fin, cherchant à avancer sans savoir où il allait ? Peut-être qu’il n’aurait jamais de réponse à ces questions. Peut-être que tout cela n’était qu’un mirage. Mais le plus difficile restait cette peur sourde. La peur de croiser Regulus à nouveau, de sentir cette tension entre eux, et d’être incapable de dire ce qu’il ressentait. Cette peur de se retrouver à nouveau dans ce silence lourd, entre deux mondes, sans savoir comment y faire face.

Il se détourna de la fenêtre, reprenant son poste derrière le comptoir. Son livre, le Comte de Monte-Cristo, était toujours là, posé près de lui, mais il n’avait pas eu le courage de l’ouvrir. Peut-être demain. Le récit d’Edmond Dantès, avec sa vengeance, son isolement, et son identité fracturée, lui offrait une étrange réflexion sur sa propre situation. Nico savait ce que c’était que de se sentir déchiré entre deux existences, de porter un poids que personne ne comprendrait jamais. Mais même dans le silence du glacier, avec la solitude de la ville en arrière-plan, il se sentait toujours sur le point de faire face à quelque chose de plus grand que lui. Quelque chose qui attendait, quelque part dans l’obscurité.

Et si ce n’était pas juste un livre, un simple échappatoire ? Et si la vengeance d’Edmond Dantès n’était en fait qu’une métaphore pour tout ce qu’il ressentait, tout ce qu’il redoutait de devenir ?