(ASTRID) ancient light

Le vent était doux ce matin-là. Elle avait la sensation qu'il apportait une brise salée et glacée, qui lui effleurait la peau alors qu'elle marchait le long de la côte. Les bâtiments, pour la plupart en cours de construction, s'élevaient tout autour d'elle, mêlant un joli ensemble de métal et de verres aux terres de Nemaia. Marlene trouvait ça fascinant, elle qui avait toujours vécu dans un Londres un peu moins moderne que ces lieux, dont l'architecture n'avait rien à envier à cet endroit. Pour autant, pour elle, c'était atypique, ici. Comme des allures de City, mais en plus poussé. Sans doute que le présent avait apporté au quartier londonien plus de modernité, lui aussi.

Un instant, elle s'arrêta, observant les usines dont la fumée s'élevait dans l'air alors qu'elle voyait des personnes fourmiller, s'agitant au milieu de la poussière, sortant lentement de ses pensées. Ce monde était si différent de celui qu'elle connaissait, mais il y avait chez Marlene un intérêt non dissimulé pour l'endroit, qui lui semblait dicté par une autre forme de magie. La technologie, si vous préférez, bien qu'il y ait une dimension autre qui la fascinait au plus haut point. Ce n'était, après tout, pas la magie qui bâtissait les ponts, dans ce monde ou un autre, sauf dans les contes qu'on lui lisait enfant et qui racontait comment, en agitant sa baguette magique, on pouvait défier la mort. Mais même les meilleures formules magiques pensaient géométrie et autres matières triviales qui faisaient partie de l'éducation que l'on pouvait donner aux jeunes sorciers, puisque Poudlard ne l'enseignait pas. Puis, il fallait les idées, et celle-ci provenaient directement des humains, qu'ils soient sorciers, moldus, ou peu importe.

Intriguée, elle remarquait que si, à son avis, ce monde était en retard sur certains points, sa résilience et sa soif de progrès étaient frappante. Surtout dans ce coin-ci de Nemaia. Elle pensa à ses amis. Lily, Mary, Dorcas, Pandora, James, Peter, Remus et Sirius. À l'exception de peut-être Sirius et son obsession pour le monde moldu, surtout avec des affiches de mannequins qui ne bougeaient absolument pas, ils seraient restés perplexes. Sirius, lui, aurait peut-être trouvé une fascination. Elle aussi. Mais l’heure n’était pas à la rêverie. Elle était ici pour découvrir, pour comprendre. Parce qu'elle était comme ça, Marlene. À vouloir comprendre ce qu'elle pouvait, peut-être même à aider. Elle était un chapeauflou Poufsouffle et Gryffondor, mais il lui arrivait de se demander ce qu'il aurait été advenu d'elle à Serdaigle, si sa curiosité avait pu suffire à la faire entrer dans cette maison.

Elle fut définitivement sortie de sa rêverie par la vision d'une silhouette à l'horizon. Peut-être un ouvrier, même s'ils étaient bien loin pour la remarquer. Peut-être - et sa rêverie reprendrait - un de ses amis, qui l'aurait trouvée par hasard. Comme dans ces films, qu'elle avait regardés depuis son arrivée ici, où le scénario semblait si facilement pousser à l'extrême les hasards. Elle en rêvait de ces hasard. Soit pour retrouver le reste de ses amis, soit pour retrouver le reste de sa famille.

Marlene revint à la réalité à une vitesse que même la vitesse de la lumière ne pouvait pas expérimenter. La chute fut brutale dans son esprit mais ça ne l’empêcha pas de sourire. Et elle finit de la terminer quand ses espoirs d’être face à un de ses amis s’évanouirent tandis que ses yeux faisaient un réglage de focus sur la personne face à elle. Pourtant, son sourire ne se teinta pas ni ne fit mine de s’effacer. Elle était capable de sourire aux gens sincèrement, malgré ses sentiments. Pas de faux semblants, en général, ou alors dans des situations qui ne pouvaient rien faire d’autre que de les imposer.

Elle était, après tout, en plein milieu, et ce malgré tout l’espace autour d’elle. Mais ça ne semblait pas être la raison de l’intervention de la jolie brune qui se présentait à elle et qu’elle avait initialement pris pour un ouvrier, sans faire attention à elle. Marlene mit toutefois un certain temps à saisir les paroles de sa nouvelle interlocutrice. Alors elle hocha la tête.

- Oh non, rassurez-vous. L’endroit est suffisamment calme pour deux. Si vous souhaitez rester, je vous en prie, bien au contraire. Son sourire s’agrandit et elle se décala pour lui faire de la place, alors que c’était loin d’être suffisant. Vous venez vous ressourcer ? demanda-t-elle, pas si curieuse que ça, mais davantage pour faire la conversation, de la façon la plus naturelle qui soit, alors que rien ne l’y obligeait.

Elle était presque désolée d’avoir été là avant la brune : si elle était arrivée après, elle aurait certainement passé son chemin pour la laisser seule et ne pas l’importuner. Mais maintenant qu’elle était arrivée la première, Marlene ne se voyait pas partir de l’endroit, donnant l’impression d’être chassée ; autant pour la brune que pour elle. Autant éviter. Avec un sourire, elle hocha la tête dans un geste qui se voulait réconfortant et engageant.

- Je vous en prie. Réponse bateau, mais c’était important, pour elle, la politesse.

Ç’avait été plus fort qu’elle. Il avait fallu qu’elle fasse la conversation, comme si c’était une nécessité absolue alors que, pour une fois, ce n’était pas du tout ce qu’elle ressentait. Comme si une sorte de quiétude émanait de son interlocutrice et qui venait la rassurer. Même avec ses amis, Marlene ne ressentait pas toujours cette sensation. Si parler n’était jamais vraiment un effort, pour le coup, c’était devenu complètement naturel pour elle.

Elle réitéra son mouvement de tête, réconfort excepté. Elle pouvait envisager ce qu’elle disait. Parce qu’elle non plus n’avait pas des semaines de tout repos. Mitchell ne donnait plus vraiment signe de vie depuis quelques semaines qu’il était parti à la découverte d’elle ne savait trop quoi. Son frère était plein de ressources et elle ne s’inquiétait pas trop pour lui, mais ne pas avoir ne serait-ce qu’un hibou (s’il arrivait à en dresser un, ici, qui ne soit pas rebelle et réfractaire à l’idée d’apporter une lettre), ça la minait un peu. Mais il avait certainement mieux à faire.

- Les semaines ne sont pas toujours simples pour moi non plus, par ici. Elle haussa les épaules. Et je crois que j’ai un peu le « mai du pays », à vrai dire. Même que James soit présent, ce n’était pas ni Sirius ni Peter… ni même ses amies, hélas, puisqu’elle passait le plus clair de son temps avec elles. Pardon, vous avez sans doute autre chose en tête que d’entendre les plaintes d’une inconnue.