It’s never too late to be what you might have been. + Stella

Ses études arrivaient bientôt à leur fin. Si Stella était heureuse à l’idée d’obtenir très prochainement son diplôme de criminologue, elle ressentait également une certaine angoisse quant au fait de quitter les bancs de l’université. Peu de temps après son arrivée à Nemaia, elle avait trouvé un certain réconfort dans ses études, qu’elle n’allait plus avoir à présent. Mais elle évoluait. Elle allait, d’une certaine manière, suivre les traces de son père en entrant dans la police et en aidant la population. C’était le chemin qu’elle avait choisie de suivre, parce qu’apporter son aide aux autres était quelque chose d’important pour elle. Ça avait toujours fait partie de sa personnalité, depuis qu’elle était toute petite. Et cette part de son caractère s’était encore plus développée quand son petit frère était né. Prendre soin d’August, l’écouter et le soutenir, c’était ce qui avait fait tourner sa vie pendant des années. Et dont elle avait dû se détacher avec difficulté quand elle était arrivée dans ce monde.

Malgré qu’elle ait entamée son dernier mois de cours, Stella n’avait pas vraiment l’occasion de se tourner les pouces. Elle finalisait ses derniers dossiers, révisait ses derniers partiels et ne profitait que très peu de ses autres activités. Dont le fait de passer du temps en compagnie d’Evan, avec qui elle échangeait cependant des textos très régulièrement. La jeune femme était d’ailleurs en train d’en rédiger un, alors qu’elle sortait de la bibliothèque avec ses notes en main. Oui, elle aurait pu les ranger dans son sac comme elle le faisait habituellement, mais elle avait voulu profiter au plus vite du beau temps qui avait enfin la décence de se présenter à eux. Elle aurait également pu ne pas envoyer ce message, surtout qu’elle savait que le pompier n’avait pas encore fini sa garde et qu’il ne pourrait sans doute pas lui répondre tout de suite.

Sans toutes ces décisions qui pouvaient paraître anodines, peut-être que cet événement ne se serait pas produit. Un événement qui pouvait d’ailleurs paraître anodin également. Stella sentit le choc avant de voir quoi que ce soit. Elle avait eu le réflexe de resserrer sa prise autour de son téléphone mais les livres qu’elle tenait dans son autre main heurtèrent malheureusement le sol. Relevant les yeux, elle découvrit alors face à elle un jeune homme - sans doute un étudiant - qui n’avait pas eu plus de chance qu’elle dans cette affaire.

« Oh non, c’est moi ! Je regardais pas où j’allais. »

Elle lui souriait, voulant paraître rassurante dans ce petit geste amical, avant de se baisser pour ramasser ses affaires. Elle remarqua alors les différents livres que le brun avait laissé tomber.

« Tu étudies dans quelle filière? »

Ça ne la regardait sans doute pas, c’est vrai, mais Stella était de nature curieuse. Et elle s’en voulait aussi de son manque d’attention et de ce petit accident, donc elle essayait de se faire pardonner comme elle le pouvait.

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Ce n’était pas la première fois que Stella faisait tomber ses ouvrages sur le campus. C’était d’ailleurs bien pour cette raison qu’elle avait pris l’habitude de les ranger dans son sac, elle qui pouvait être facilement distraite et ne pas forcément regarder dans quelle direction elle allait. Mais ce jour-là, elle ne l’avait pas fait, allez savoir pourquoi. Sans doute parce que le destin avait décidé à sa place qu’elle rencontrerait ce jeune homme aujourd’hui. D’un geste de la main, elle avait balayé les excuses du brun avec un petit sourire. C’était loin d’être un drame que ses livres se retrouvent au sol, du moins, ce n’était pas dans sa nature d’en faire un drame. Si ça avait été son frère qui s’était retrouvé en face d’elle, la jeune femme aurait sans doute agit d’une autre manière. Mais ça aurait surtout été par esprit de contradiction, et parce qu’ils avaient l’habitude de se chercher gentiment les noises.

« C’est rien. »

Stella s’était accroupie pour ramasser ses livres, souriant une fois de plus au jeune homme pour le remercier de l’aider, avant de lui venir en aide à son tour. Elle en avait profité pour entamer la conversation, parce qu’elle était comme ça, Stella. Remplie de cette nature sociable, toujours curieuse des nouvelles rencontres qu’elle pouvait faire. Et particulièrement dans ce monde où elle avait justement l’occasion de rencontrer des personnes bien différentes de ce qu’elle pouvait connaître. Après tout, ils avaient chacun grandi dans un univers différent du sien, parfois aux antipodes de son propre monde. Il y avait une richesse à Nemaia qu’elle ne pourrait jamais retrouver ailleurs.

« Whoa ! T’as du courage, j’avoue que j’aurais jamais osé la double licence, même si j’y ai pensé. »

Mais il est vrai que quand elle avait vu le programme de droit, elle avait rapidement abandonné. Et elle n’aurait clairement pas tenté l’histoire, comme c’était le cas de son interlocuteur. Même si c’était un sujet qu’elle trouvait particulièrement intéressant, Stella n’était malheureusement pas très douée pour retenir les dates. Elle arrivait déjà à se souvenir des anniversaires, ce qui pouvait relever du miracle.

« Oh non, pas du tout ! J’ai encore quelques heures devant moi avant que mon copain finisse sa garde alors… »

Oui, elle avait du temps devant elle avant de rentrer pour le retrouver.

« Je suis en licence de criminologie. Enfin sur la fin, c’est ma dernière année. D’ailleurs si ça fait pas très longtemps que t’es là et que t’as besoin de te familiariser avec le campus… Comme dit, j’ai encore quelques heures devant moi. »

Peut-être que la jeune femme se trompait dans ses suppositions, mais comme elle le l’avait jamais vu avant, elle était partie du principe qu’il n’était pas là depuis très longtemps. En réalité, ça pouvait être un peu compliqué de tenir les comptes sur qui était présent depuis un certain temps ou non.

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Les études, ça pouvait être un grand domaine de discussion. Stella n’en dirait pas le contraire, étant donné qu’elle avait mis un certain temps à trouver sa voie avant de se lancer dedans. Il fallait dire que changer de monde n’avait pas été d’une grande aide pour savoir ce qu’elle allait faire de sa vie. Déjà que dans le sien c’était une question compliquée… Mais elle avait fini par trouver quelque chose qui lui plaisait réellement, et qui ferait sans doute la fierté de son père, en plus de ça. Dans le fond, elle avait fini par comprendre pourquoi le métier de son père était aussi important à ses yeux et pourquoi il s’y était réfugié au décès de sa mère. Venir en aide aux autres avait également toujours fait partie des valeurs de Stella, donc protéger la population lui avait semblé être un bon choix.

« Je vois. C’est toujours bien d’essayer et, au pire, si ça ne te convient pas, tu pourras toujours changer. »

L’avantage de ce monde était bien qu’ils avaient la possibilité d’essayer, justement. Stella l’avait toujours envisagé comme un nouveau départ, un moyen de faire les choses différemment, et de se trouver aussi. Ce qui n’était pas toujours simple, elle en convenait. Mais quand elle regardait ce qu’elle avait pu accomplir ici et l’avenir qui se profilait devant elle, la jeune femme se disait que ça valait le coup d’essayer, dans le fond.

« Ça l’est, même si c’est souvent très glauque. »

Ce qui ne l’avait pas empêché de se lancer corps et âme dans ses études, bien au contraire d’ailleurs.

« Alors suis-moi ! Je vais commencer par te montrer le plus important en termes d’apport énergétique: les spots de nourriture. »

Des endroits où elle avait passé de nombreuses heures entre ses cours et ses révisions. Stella était gourmande de nature, et beaucoup plus efficace quand elle avait quelque chose dans l’estomac. Même si rien ne détrônerait jamais le chili de sa grand-mère, il y avait quelques endroits sur le campus qui étaient parfaitement respectables en termes de nourriture.

« Stella, je suis ravie de te rencontrer, Nico. »

Elle espérait qu’il l’était aussi, évidemment. Même si ça devait sans doute être le cas, sinon il ne la suivrait pas pour visiter le campus. A moins qu’il était trop poli pour refuser?

« Et tu viens d’où Nico? Enfin, je ne sais pas si je connais l’endroit d’où tu viens, avec les différents mondes, c’est parfois compliqué. »

Mais elle était curieuse, alors entendre parler d’endroits inconnus n’était pas du tout un problème pour elle. Surtout que Stella avait passé la majorité de sa vie au Texas, avant d’arriver ici. Elle connaissait Austin comme sa poche, mais pour ce qui était du reste, elle en avait surtout entendu parlé sans jamais avoir l’occasion de visiter. [/size]

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Apprécier se rendre en cours et ce qu’on y étudiait était sans doute le plus important. Stella n’aurait jamais réussi à aller jusqu’au bout si elle n’avait pas aimé ce qu’elle faisait. Bon, elle n’y était pas encore tout à fait. Il lui restait quelques derniers examens à passer, mais ce n’était qu’une question de semaines avant qu’elle n’obtienne ces derniers résultats. Elle n’avait cependant pas oublié ce que c’était que de se retrouver dans la position de Nico avec les premiers jours de cours. Elle se souvenait avoir été si angoissée qu’elle n’en avait presque pas dormi de la nuit. Après, c’était dans sa nature. La jeune femme était une grande stressée qui avait besoin d’un petit temps d’adaptation avant de réellement se sentir bien.

Elle avait donc souri à Nico pour approbation avant que leur conversation ne dérive vers un autre sujet. Ses propres études puis la nourriture, deux choses particulièrement importantes aux yeux de Stella. Elle avait toujours été une grande gourmande, encore plus quand elle était devenue étudiante. Ses heures de révisions s’étaient très souvent accompagnées de sucreries et autres repas rapides pour pouvoir se concentrer sur ses cours. Elle avait donc amené Nico à son spot préféré: un petit kiosque au milieu du campus qui avait un menu très varié.

« C’est ici que tu peux trouver tout ce que tu veux. Des salades, des burgers, des plats en sauce aussi. C’est vraiment le coin nourriture indispensable en période de révisions. »

Et oui, Stella connaissait le menu par cœur. Et même si elle avait bientôt fini ses études, elle savait qu’elle reviendrait sur le campus juste pour cet endroit, quand elle le pourrait.

« Oh si ! Je suis déjà allé à New York avec ma mère. Mais je connais Venise seulement de nom, j’ai jamais eu l’occasion de partir en Europe. »

Chose qu’elle regrettait. Elle aurait adoré se rendre à Londres, ou encore à Paris. C’était l’un de ses rêves quand elle était petite. Rêve qu’elle avait dû laisser de côté quand elle était arrivée ici.

« Du Texas. J’ai grandi à Austin, dans une maison. Mais mes grands-parents avaient un ranch, on y passait nos vacances avec mon petit frère. »

Très loin du petit appartement dans lequel elle logeait à présent. Le ranch lui manquait d’ailleurs énormément. Prendre soin des chevaux, partir en balade au milieu des champs, regarder son grand-père bricoler dans son cabanon. Ce ranch avait toujours été sa seconde maison, elle s’y était toujours sentie bien. Penser au fait qu’elle ne pourrait plus jamais y remettre les pieds n’était pas très agréable.[/size]

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Stella avait de bons souvenirs sur ce campus. Elle s’y était souvent réfugiée ces dernières années, elle y avait aussi fait des rencontres assez sympathiques. Et c’était surtout le fait de reprendre les cours qui lui avait permis de vraiment bien s’intégrer dans ce monde, au final. Se dire qu’elle n’allait bientôt plus y remettre les pieds lui faisait bizarre. Elle n’arrivait pas encore à réaliser, sans doute parce qu’il lui restait des examens à passer et que ce n’était pas encore vraiment concret. Pourtant, elle savait que ça arriverait, très bientôt d’ailleurs, elle l’espérait. Arriver au bout de sa formation était après tout son but de base, pour pouvoir réellement construire quelque chose ici. Finaliser ce projet, elle y travaillait depuis des années, et elle pouvait presque dire que c’était la première chose qu’elle accomplissait dans sa vie.

« Oui… Je passe mes derniers examens dans quelques semaines. Ça me fait un peu bizarre de me dire que je serais plus obligée de revenir ici. Je pense que ça va me manquer. »

Même si ça ne lui manquerait pas autant que son monde, bien évidemment. Et puis, elle pourrait toujours revenir, si elle en avait envie, ce n’était pas interdit. Elle le ferait d’ailleurs, sans aucun doute. Si elle pouvait éviter d’être privée de tous les endroits de son passé… C’était d’ailleurs aussi pour cela qu’elle ne relevait pas, concernant Venise. Parler de cet endroit ne semblait pas être quelque chose de facile pour Nico, et elle pouvait le comprendre. Plus que l’endroit en lui-même, il semblait être attaché aux personnes avec qui il avait construit des souvenirs là-bas. Sa famille ou ses amis, peu importait. Elle comprenait que ce ne soit pas évident d’en parler.

« C’est vrai. Je me demandais comment certains bâtiments tenaient debout. Et je me pose toujours la question d’ailleurs, même ici. Je suis pas habituée aux grandes villes de ce genre. »

Ce qui était le cas de son petit-ami, par contre, vu qu'il venait de Los Angeles. Une ville qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de visiter par contre, et elle trouvait ça bien dommage. Evan lui en parlait souvent et il en disait beaucoup de bien.

« C’est plutôt cool. Il y a beaucoup plus de verdure, et les gens sont sympas. »

Globalement, ce n’était pas toujours le cas, évidemment. Stella y avait connu des moments un peu moins cool, et elle avait perdue sa mère également. Le genre de souvenirs qu’elle préférait garder un peu loin.

« J’en avais un aussi. Enfin, c’était celui de ma mère mais… Quand elle nous a quittés, c’est moi qui m’en suis occupée. »

Aux vues du ton de Nico, Stella avait eu l’impression qu’il n’avait plus vraiment sa sœur à ses côtés, lui non plus. Un sentiment qu’elle pouvait comprendre pour le vivre elle aussi avec son petit frère. August, qui avait un don pour se fourrer dans les ennuis, même s’il voulait toujours bien faire. Le fait de ne plus pouvoir veiller sur lui l’angoissait quelque peu, mais elle ne pouvait malheureusement rien y faire.

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Certaines choses resteraient sans doute toujours un mystère, pour Stella. Rien que sa présence dans ce monde en était un, après tout. Un mystère qu’elle n’avait jamais vraiment essayé de résoudre, même si elle aurait bien aimé en avoir les réponses. Nombreux étaient ceux qui avaient déjà essayé et qui n’avaient strictement rien trouvé. C’était sans doute pour cette raison qu’elle ne s’était jamais fatiguée à chercher et qu’elle avait décidé de se concentrer sur son avenir ici. Elle n’avait aucunement l’envie de se désespérer à chercher des réponses introuvables et finir malheureuse dans la finalité. Ses parents n’auraient pas voulu ça pour elle, et même si elle ignorait ce que sa famille était devenue depuis qu’elle avait quitté son monde, elle respectait assez leur mémoire pour avancer. Et se dire, au bout de ses études, que son père serait sans doute fier d’elle lui procurait assez de joie pour continuer dans cette voie.

« Oui, c’est vrai que je ne suis pas architecte. Autant leur faire confiance là-dessus. »

Chacun son travail, après tout. Et chacun son passé, également. Parler de son ancien monde ne la dérangeait pas autant qu’avant, en tout cas. Évidemment, évoquer certains sujets, comme sa mère par exemple, était toujours aussi douloureux, mais c’était aussi un peu plus facile, au fil des années. Sa perte l’avait marquée, en grande partie à cause de ses circonstances et de tout ce qui en avait découlé. En partie parce que son père avait préféré fuir pour faire son deuil loin de ses enfants. Un choix qu’elle n’avait pas toujours accepté, mais qu’elle pouvait cependant comprendre, surtout quand elle regardait son frère, à l’époque. Il ressemblait énormément à leur mère, autant sur le plan physique que par sa gentillesse et sa compassion. Ce n’était pas facile de ne pas penser au passé quand une partie de lui était toujours là.

« C’était il y a longtemps. Enfin… Ça me gêne moins d’en parler aujourd’hui. »

Elle aimait en parler, justement. Étant la seule dans ce monde à pouvoir honorer et conserver sa mémoire, c’était important aux yeux de Stella. Sa mère lui avait transmis beaucoup de choses, tout comme son père d’ailleurs. Elle ne serait sans doute pas la femme qu’elle était devenue aujourd’hui sans eux, sur beaucoup de points de sa vie.

« Je suis désolée aussi pour toi. Mais je suis sûre que, même si tu ne l’as pas beaucoup connue, tu gardes quand même une partie d’elle avec toi. »

C’était le cas de tous les enfants, après tout, qu’ils le veuillent ou non. Stella n’était en tout cas pas dérangée de garder toujours une partie de sa mère avec elle. Elle avait eu la chance d’être élevée par une femme exceptionnelle qui avait le coeur sur la main. Par un père juste, même s’il ne faisait pas toujours les bons choix. Et aux côtés d’un petit frère dont la compassion l’aurait sans doute aidé à aller loin. Ils avaient, chacun, eu un rôle décisif dans sa vie, dans la personne qu’elle était devenue, qu’elle ne pourrait jamais oublier et qui l’accompagnait tous les jours.

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