J’aimais beaucoup Jeremiah, c’est un chouette type et un bon ami. Il était peut-être bien le seul ami que j’avais qui n’avait rien à voir avec le monde des sorciers que j’avais, dans ce monde et l’ancien. En fait, en y regardant bien je n’avais pas énormément d’amis en terme générale, ma vie s’était résumé à ma famille et mon coven et j’avais été assigné à résidence pendant une éternité. Vu comme ça on pouvait comprendre que mon cercle d'amis soit aussi restreint. Donc avoir Jeremiah dans ma vie c’était vraiment quelque chose qui faisait du bien, j’avais presque l’impression d’être normal, enfin pour les mortels. Aujourd’hui c'était une session jeux vidéo chez Jeremiah. Ce qui est marrant c’est que c’était plus une initiation pour moi qu’une vraie session de jeux. Je suis sans doute trop vieille école pour être doué pour ces trucs là, pourtant c’est fun.

“Il faut combien de temps d’essai pour ne plus être dernier à ce jeu ?” Lançais-je. Il ne faisait que gagner ça en devenait presque rageant. “Je crois que je ne suis pas fait pour ça décidément.. T’as une dent contre moi pour avoir voulu me faire jouer à ce truc ? Un truc à me dire ?” Bien entendu je le taquinais, je savais bien que si Jeremiah avait quelque chose à me dire il l’aurait fait. On s’était bien dit sans vraiment de détour qu’une rupture était vraiment la meilleure des choses à faire, il était bel homme mais lui et moi savions bien que ce n’était pas ce que nous cherchions à ce moment-là, et que nous n’étions pas le genre de personne qu’il fallait à l’autre. Avec tout ce qu’il s’était passé, même ici à Nemaïa je ne pouvais pas nier que je n’arrivais pas à l’oublier. Tourner la page est bien plus dure que ce qu’on peut penser, qu’on nous rejette avec vivacité ou non. Malgré tout, elle était là pour moi lorsque Sabrina est morte. Elle avait su mettre sa rancœur de côté pour être là alors que j’en avais besoin, enfin que toute la famille en avait besoin.

Finalement je chassais ces pensées vagabondes de mon esprit et en revenais à mon hôte. Un grand sourire s’étira sur mon visage. “Aaaaah je sais ! Ca serait pas parce que j’ai dit tout haut ce que ton regard disait déjà très fort sur ma cousine l’autre soir ?”

Je ne suis pas vraiment très habitué aux soirées tranquilles comme les humains peuvent l’entendre, mais ça n’avait rien de déplaisant. Et puis c’est surtout la compagnie qui importe, et Jeremiah était une bonne compagnie, dans tous les sens du terme si je peux me permettre. C’est qu’il avait bien préparé cette journée, il avait fait une sélection de jeux et avait sorti de quoi manger, on avait de quoi rester les fesses vissées sur le canapé pour toute la journée. Il m’avait fait un petit tuto jeu vidéo, mais ça ne m’avait pas empêché de perdre comme le bon gros débutant que j'étais. “Je fais ce que je peux mais on dirait que même l’ordinateur est plus fort que moi. Et c’est pas si évident que ça de manier ce truc.” Je ne prenais pas mal le fait d’être vraiment nul à ce jeu en réalité, même si je perdais et que je devais avoir l’allure d’un grand-père ça restait très amusant. “Il va me falloir combien de temps pour arrêter de me prendre toutes les barrières ou arrêter de me tromper de bouton  et de freiner au milieu de la course ?” Clairement il ne devait y avoir que moi pour appuyer avec ferveur sur le frein pour faire l'accélération de début de partie.

Finalement j’avais abordé le sujet de ma cousine. Après la soirée qu’on avait passé tous les trois j’avais bien vu quelques petits rapprochement entre eux. Même si je les avais laissé tranquille j’avais toujours des yeux et je voyais bien lorsqu’il se passait des choses. Il l’avait trouvé attirante et vice versa j’en étais convaincu. Je n’avais pas pu m’empêcher de le questionner. J’avais pris mon smoothie et commençais à l’attaquer pendant qu’il me répondait comme s’il était complètement dépité. “Je sais je sais pas de relation sérieuse, mais toi et moi on sait très bien que ça ne sera pas toujours le cas.” Jeremiah était un bourreau des cœurs, mais un qui se trouvait être incroyablement honnête. Jamais il ne laissait de faux-espoirs à ses conquêtes et pour le monde des humains qui était souvent moins libertin que celui des sorciers ça avait énormément d’importance. “C’est peut-être parce qu’on a un charme incroyable chez les Spellman que je devrais être outré que tu dise que tu puisses y résister.” Lançais-je en rigolant. “Et justement je sais très bien que t’es pas le genre à vouloir faire souffrir, le prend pas mal mais t’as pas la tête d’un mec qui s’amuse à briser des cœurs et qui s’en fout.” Non il n’avait clairement pas l’allure de ce genre d’homme. Il avait peut-être bien brisé quelques cœurs mais ça ne devait pas être calculé au vu de ce que je savais de lui. “C’est bien parce que c’est ma cousine et toi mon ami que je m’y intéresse. Et d’abord je ne t’ai pas parlé de lui faire du mal, si ça vient à se produire jte change en crapaud. Aller tu peux bien me dire.”

On était bien loin de ce dont j'avais l'habitude. Chez les Spellman on utilisait pas tellement de chose aussi moderne, ce qu'il devait y avoir de plus moderne étaient probablement le téléphone portable de Sabrina et un ordinateur.  Alors vous imaginez bien que ça devait être ma première session de jeu vidéo. Ça me changeait de mes soirées habituelles, ce qui n'était pas forcément un mal. J'appréciais énormément ce moment même si je perdais un peu trop. "Ah et bien si le jeu triche déjà j’étais mal parti.” Dis-je en plaisantant. En réalité je n’avais pas grand chose à faire du résultat final ça n’était pas le plus important, le plus important c’était qu’on passe un bon moment. Je l’avais laissé faire ses réglages qui allaient probablement m’aider à être moins mauvais. Il faisait ça avec tellement de naturel, je le regardais d’un œil presque admiratif, car les stratagèmes de jeux-vidéos étaient une science qui m’échappait. “Oh cool !  Merci à vous Jeremiah, grand mage du digital.”

Cette soirée avait été pensée pour que nous puissions passer un bon moment, sans prise de tête. Cependant, Satan m’en soit témoin, la curiosité chez les Spellman  pouvait parfois s’apparenter à un défaut. Je n’avais pas pu m’empêcher de lui demander, c’est là que la discussion avait commencé à être plus sérieuse. J’avais pu sentir sans trop de mal qu’il n’avait pas forcément envie de parler de sa vie sentimentale c’était pour cela que j’étais parti dans un grand speech. D’ailleurs j’avais peut-être bien fait parce qu’il avait laissé échapper un sourire à la mention du charme des Spellman, c’était un petit rire pour Jeremiah et un grand pas pour répondre à ma curiosité. A force ou juste pour que j’arrête il avait répondu, le point bonus était qu’au moins en répondant il avait l’air beaucoup moins crispé que lorsque j’avais demandé au tout début.

Je l’avais écouté un petit sourire plaqué sur le visage assez content de ce que je pouvais entendre. “Non ce n’est pas un date, non.” Acquiesçais-je à demi-convaincu. “De toute façon si jamais tu finis par vouloir un date, va falloir qu’on parle chemises toi et moi. Toutes tes chemises n’ont pas forcément un design qui fait l’unanimité, ça serait criminel de te laisser partir à un rencart avec une chemise design papier peint des années 60.” Le pire dans cette histoire c’est que je critiquais ses chemises mais dans le fond je les aimais bien. J’irais pas jusqu’à dire que certaines ne sont pas moche, mais c’était toute la subtilité de la chose. Même ses chemises les plus moches lui allaient, je ne parle pas forcément de la coupe ou du motif, c’est juste que c’était lui. Un jour il portera une chemise simple avec des rayures verticales blanches et jaune moutarde, un autre une chemise avec des vagues et des surfeurs en guise de motif. Le truc c’était que c’était un peu comme s’il fallait qu’il fasse ressortir toutes les couleurs et les facettes de sa personnalité jusque dans le vêtement. Alors quand on le voyait porter ses chemises, des plus sympas aux plus moches incluses, et bien ça rendait toujours bien malgré tout.

Sans vouloir passer pour un vantard il y avait beaucoup de choses dans lesquelles j’étais doué, mais à présent je savais pour sûr que je n’étais pas un as des jeux vidéos. Ça n’a rien de bien dramatique après des années, pas mal d’années, d’existence j’avais appris qu’on ne pouvait pas exceller dans tous les domaines que le monde avait à offrir. C’était avec plaisir que je regardai mes proches exceller dans leurs domaines, et c’était aujourd’hui le même plaisir de voir Jeremiah être le grand maître des jeux vidéos. “Je prends note au grand maître jedi” Dis-je en rigolant. Il était vrai quand dans la maison Spellman nous n’avions pas de console et je pense que personne ne s’était dit que ça manquait. Les sorciers et sorcières avaient d’autres façons de s’occuper, pas forcément plus maline mais probablement plus vicieuse pour certains des nôtres.

En tout cas je savais que je devrais quand même voir pour que ça soit un peu moins facile pour lui à l’avenir, s’il n’y a pas de challenge il risquerait de s’ennuyer. “Je vais donc devoir m’entraîner je ne vois que cette solution, sinon ça sera beaucoup trop simple pour toi de gagner. Et peut-être même qu’avec un peu d’entraînement j’arriverai à te surprendre, qui sait” Je ne voulais pas être trop optimiste mais j’imagine qu’avec quelques heures de jeu au compteur la différence se verrait. Je sais que ça ne fera pas de miracle et je ne comptais pas devenir joueur professionnel ou de mettre la raclée du siècle . Et de toute manière ça ne m’intéressait pas de battre quelqu’un quelque part juste pour montrer que je pouvait être meilleur.

De toute façon le plus croustillant de la conversation n’était pas sur la partie jeu vidéo, ce qui m’intéressait le plus était ce petit quelque chose que j’avais pu apercevoir au détour d’une soirée entre Sabrina et lui. “Hey doucement là j’ai pas dis qu’elles étaient toutes affreuses, t’en as des très bien. Mais entre nous t’en as quand même certaines avec un design un peu particulier. Et il y a des grands créateurs qui font des design dignes d’un enfant de 4 ans qui découvrent des Crayola.” Par contre je devais bien avouer qu’il avait évité le sujet principal avec brio, c’était de ma faute mais ça n’était pas bien grave. “Mais vraiment la chemise papier peint années 60 je crois que c’est l’une des pires que j’ai pu voir dans ta garde robe. Alors pour un date choisie en une autre s’il te plait.”  Il n’avait pas besoin de ça pour être charmant, c’était bien ça qui était magique chez Jeremiah il n’avait pas besoin d’être bien habillé pour être beau et pétillant. Tout était dans son caractère, son sourire doux et sincère, sa manière de prendre l'instant présent et de s’amuser, c’était tous ces petits détails qui rendait Jeremiah unique et qui faisait tout son charme. “Par contre cette façon de défendre tes chemises ça veut dire quoi ? Que tu serais intéressé ?” J’étais probablement trop curieux, une partie de moi ne voulait qu’une chose que Jeremiah soit heureux, comme ses cousines d’ailleurs. “T’es pas obligé de répondre, je sais que c’est un peu lourd je vais pas t’embêter plus avec ça.”