(CASSIE) city of stars

Jane s’appuya contre le rebord de la fenêtre, observant les rues animées d'Arileon en contrebas. Les néons et les écrans publicitaires illuminaient la ville d’une lueur artificielle, presque étouffante. C’était un endroit qui aurait pu appartenir à n’importe quel autre monde, un monde où elle n’aurait jamais dû quitter Hawkins. Mais voilà, elle était là et elle n'avait pas choisi, de toute façon. Elle avait fait sa place, plus ou moins. Les gens passaient devant elle, inconscients de sa présence, cachée par la réverbération des lumières qui, n'importe où ailleurs, auraient pu passer pour de étoiles. Elle ne se sentait pas exactement à sa place, ici. Arileon avait ce petit côté étrange. Trop différent de son monde, dont les années 80 faisaient grâce aux couleurs et à la joie, qui lui réchauffaient le coeur autour de ses amis et d'une chanson. Running up that hills pour Maxine. Une vieille chanson d'amour pour elle. Careless Whisper, peut-être, qui lui rappelait encore et toujours Mike. Mais pourtant, certains endroits lui rappelaient Hawkins pour autant. Enfin... peu importait l'impression de voir des bouts de chez elle, elle n'y était pas et se fondre dans ce décor semblait parfois si faux.

Elle soupira, passant une main dans ses cheveux avant de se redresser. Il faisait froid ce soir-là, malgré les lumières de la ville qui brillaient dans une chaleur presque artificielle. La température glaciale qui régnait ailleurs à Ennens n'avait pas réussi à s'installer dans la capitale, et c'était sûrement pour le mieux. Jane détestait le froid et n'aurait probablement pas supporté plus froid encore. Elle n’avait jamais été habituée à cela, même si elle avait appris à s'en accommoder. Alors qu'elle commençait à se détourner de la fenêtre, un bruit derrière elle attira son attention. Ses instincts, toujours aiguisés par son affrontement avec Vecna, lui indiquaient qu’elle n'était pas seule. Une vague d'adrénaline monta en elle, même si, pour l’instant, tout semblait calme. Mais ce n'était rien, fausse alerte.

Ou pas. Un nouveau bruit la fit sursauter. La porte de sa chambre s'ouvrit à la volée. Les joies de vivre dans un endroit passant avec plusieurs portes sur le même palier, surtout au rez-de-chaussée, il faut dire. Elle n'avait pas fermé à clés de toute façon, c'était son erreur, surtout avec une poignée à l'extérieur que n'importe qui pouvait ouvrir. Mais techniquement, tout le monde savait où il habitait, non ? Enfin, visiblement pas.

Cassie n’avait pas envie de passer sa soirée à la maison. C’était bien pour cela d’ailleurs qu’à la base, elle avait pour intention de se rendre à une fête dont elle avait entendu parler quelques jours plus tôt. Bien évidemment, elle avait prévenu son père pour ne pas l’inquiéter. Et il avait même été content de la voir sortir, passer du temps avec d’autres personnes de son âge, comme un signe qu’elle allait mieux. Ce qui était le cas, en soit. Elle allait un peu mieux que ces derniers mois, mais pas encore assez bien pour faire comme si rien ne s’était passé et réellement passer à autre chose. Elle l’avait sentie quand elle était arrivée sur place et qu’elle avait vu ce mot sur la porte. “Fête annulée pour problèmes de sécurité, conduite de gaz endommagée”. Super. Ses plans tombaient à l’eau, encore une fois.

Il n’était pas question pour la blonde de rentrer chez elle alors… Elle était entrée dans le premier immeuble qu’elle avait rencontré, dans l’optique de passer la nuit là. Et oui, en entrant par effraction chez quelqu’un, ce qui n’était pas forcément la meilleure des idées. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle le faisait, mais la dernière fois… Et bien, c’était avec JJ. Et ce soir-là, elle avait besoin de se réapproprier ça, de détacher cette activité illégale de leur relation. C’était dans des moments comme celui-ci qu’elle se rendaient compte de tout ce qu’ils avaient pu partager ensemble, d’à quel point il était difficile de se tenir à distance de tous ces moments.

Elle avait donc commencé à actionner les poignées de portes, verrouillées pour la plupart, ne s’attendant pas spécialement à en trouver une ouverte. Du moins jusqu’à cette porte qui n’était pas verrouillée. Cassie était alors entrée. Il n’y avait visiblement personne ici, et ça l’arrangeait bien. Elle pourrait y passer la nuit avec ses démons intérieurs. Et elle était donc en train d’explorer. Elle passait de pièces en pièces, cherchant un endroit où s’installer, où elle pourrait se sentir à peu près bien. Jusqu’à ouvrir la porte de la chambre et de se retrouver nez à nez avec une jeune femme. Merde.

« Salut, je… Désolée, je vais repartir. Si tu pouvais ne pas appeler la police, ce serait super cool. »

Disons qu’elle n’avait aucune envie de se retrouver au poste et de devoir expliquer tout ça à son père. Il pensait qu’elle allait bien, et elle voulait qu’il continue à penser ça. C’était mieux pour lui, mieux pour elle aussi. Parce qu’elle n’avait aucune envie de l’inquiéter, aucune envie d’avoir cette énième discussion qui se conclurait par un “tu verras, bientôt, tu l’auras oublié”.

De toutes les choses bizarres que Jane avait vécues dans sa vie - et il y en avait une certaine dose, surtout pour des gens qui, à la différence d’elle, ici, ne venaient pas d’un monde comme le sien où la fiction semblait toujours rattraper la réalité - celle-ci surpassait absolument toutes les autres. Bien sûr, ses mauvaises habitudes prenaient le dessus et n’aidaient pas non plus à ne rien risquer. Ne pas fermer sa porte à clé quand elle s’ouvre de l’extérieur, ce n’est pas vraiment faire preuve d’un cerveau brillant, bien au contraire, mais tout de même. Tirer le verrou n’était pas quelque chose que Jane avait pour habitude de faire, sans doute parce qu’à l’exception de la cabane d’Hopper, elle n’avait jamais vraiment eu de chez elle.

Enfin, tout de même. Le sursaut qu’elle fit lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit fut incontrôlable et manqua de la faire tomber. Quelque chose en elle s’était attendu à ce que ce soit Hopper. Sans doute parce qu’il avait le talent de toujours la retrouver, quoi qu’il advienne, quoi qu’elle tente de faire en ce monde, mais l’idée d’être réconfortée par son père adoptif s’envola aussitôt quand une petite blonde lui fit face.

Elle resta bouche-bée un instant, puis devint inerte. Ne pas appeler la police, hein ?

- Je… hein ? Mais…

Elle ne savait plus quoi dire, Jane. Alors elle se tenta, en se redressant le plus possible, à garder un espèce de faux-semblant de contenance alors même qu’elle était plus que décontenancée de la situation.

- Comment t’es entrée ? T’as… tu t’es trompée de porte ?

Le comment, elle le sait : elle est responsable. Mais la situation est tellement cocasse qu’elle ne peut pas s’empêcher de ne pas menacer la blonde ni quoi que ce soit, juste de s’étonner.

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