(ALEC) hang on a little longer

Isabelle s’enfonça un peu plus dans le canapé, tirant sur la couverture qu’elle avait jetée sur elle sans trop de conviction, comme pour se protéger du froid qui semblait émaner directement de son cœur, alors qu'elle piochait dans un pot de glace duquel la sensation de froid ne lui faisait rien. Elle jeta un coup d’œil à Alec, assis à ses côtés, tout aussi silencieux, perdu dans ses propres pensées. C’était étrange de le voir là, encore plus étrange de le savoir… ici, avec elle, dans cet état. Sans aucun mot, ils avaient tous les deux besoin d'un échappatoire et elle le comprenait totalement. Elle avait besoin d'échapper, ne serait-ce qu'un moment à la perte de Clary, lui à celle de Magnus. Ces blessures invisibles dont les traces les brûlaient de l'intérieur étaient douloureuses. Bien sûr, la douleur n'était pas inhabituelle pour eux, mais il semblait à Izzy que, ce soir, ils n’avaient ni l’énergie ni l’envie de les aborder. D’un geste machinal, elle appuya sur la télécommande pour lancer le film qu’ils avaient choisi presque au hasard, une comédie pourtant, censée alléger un peu l’atmosphère. Mais elle sentit son regard dériver des images à l’écran pour s’attarder sur son frère. Alec et elle avaient traversé tant de choses ensemble, des batailles et des pertes, des victoires et des peurs, mais ce vide-là… ce vide restait en silence entre eux, pesant.

- C'est fou, non ? finit-elle par murmurer, son regard se perdant dans le vide, désormais posé ailleurs que sur Alec. Comme tout peut disparaître sans même qu'on le réalise. Pour le cheer talk, on repasserait plus tard, bien évidemment. Elle ne s'attendait pas réellement à une réponse d'Alec, mais elle espérait que, derrière le côté presque pessimiste de ses paroles, il comprendrait qu'elle était là, et qu'elle avait une grosse idée de ce qu'il pouvait ressentir, même si elle n'avait pas perdu son amour, elle.

Elle lui tendit son pot de glace à la vanille et à la mangue pour qu'il y pioche allègrement avec sa cuiller, se fichant éperdument que les saveurs entre sa glace et la sienne ne viennent s'entrechoquer. Un plaid, un pot de glace, un film, et son frère. Elle n'avait besoin d'absolument rien d'autre. Peu lui importait qu'il s'agisse de déprimer avec lui.

Evidemment, elle n’était pas de la meilleure compagnie. Elle ne pouvait pas savoir ce que c’était que de perdre son parabataï, et encore moins l’amour de sa vie, mais avec Clary, elle avait la même impression que si on lui avait enlevé une rune qui lui arrachait une partie de son âme. Non, elles n’étaient pas liées par la rune des parabataï, mais pour Isabelle, ce n’était pas loin non plus. Aussi, elle qui savait si bien faire les cheer talks en était désormais plutôt loin.

Son pot de glace dans ses mains tendues vers son frère, elle finit par la ramener vers elle, un peu jalousement, piochant allègrement avec sa grosse cuiller dedans pour engouffrer le tout dans sa bouche, comme si un tel geste allait pouvoir prémunir les larmes qui menaçaient de couler. Mais Isabelle savait qu’un chasseur d’ombre devait être fort en quasi toute circonstance. Alors elle retint ses lèvres. Elle avait deux fois plus de raison que ses compères masculins de ne pas craquer. En tant que femme, si on la voyait pleurer à chaudes larmes, on risquait de penser qu’elle n’était plus bonne à rien. Mais ça ne l’empêchait pas de laisser couler une ou deux larmes qui, pour cette fois-ci, s’échappèrent de ses yeux sans son consentement.

Avec un petit sourire, elle se barda à essuyer les larmes traitresses qui avaient humidifié ses joues. Elle acquiesça.

- C’est vrai, affirma-t-elle en tendant une main vers lui qui prit sa main pour la serrer. Je ne sais pas comment j’affronterai ça sans toi.