(DAMON) what the f

Le problème de Damon était sans doute qu’à chaque mauvaise nouvelle, il reprenait ses mauvaises habitudes. Enfin, en partie en tout cas. Il n’avait pas renoncé à son humanité, mais la douleur qu’il ressentait à cet instant était largement suffisante pour que ça ne fasse pas une grande différence. Douleur, colère, tristesse, c’était le trio parfait, le cocktail de l’enfer pour faire ressortir le monstre qui sommeillait en lui. Et la disparition de Jessica suffisait à faire ressortir tout ça. Elle l’avait pourtant canalisée, elle avait su lui montrer qu’il n’était pas obligé d’agir toujours comme un crétin égoïste. Mais elle n’était plus là. Alors à quoi bon faire l’effort de bien agir? C’était la question qu’il se posait et à laquelle il ne trouvait pas de réponse. Bien évidemment, Damon aurait bien canaliser toute cette rage pour tenter de la retrouver. Mais il avait rapidement compris qu’elle n’était tout simplement plus dans ce monde et que tout cela serait voué à l’échec.

C’était donc de cette manière qu’il se retrouvait là, allongé au milieu de cette route, à attendre la prochaine voiture qui passerait et qui s’arrêterait certainement. Il ne savait pas vraiment depuis combien de temps il attendait quand il entendit un moteur au loin, puis des freins bruts, et une portière qui se claquait. Puis, bien évidemment, une voix qui était en train de l'incendier. Celle-là, il ne s’y attendait pas forcément. Damon avait légèrement tourné la tête, assez pour apercevoir le visage d’une jeune femme, avant que son regard ne se dirige à nouveau vers le ciel.

« J’aurais préféré. Même si ça n’aurait pas changé grand-chose. »

Il aurait eu mal, évidemment, sur le coup. Mais un accident de voiture ne pouvait pas le tuer. Si Damon avait voulu se suicider, il aurait retiré sa bague de jour et aurait attendu le lever du soleil. Bien sûr, il y avait pensé. Mais sans doute n’avait-il pas le courage de passer à l’acte. Il ne l’avait pas fait pour Katherine et avait préféré couper son humanité. Il était tout autant un lâche pour Jessica en étant au milieu de cette route, en train d’avoir cette conversation.

« Sans doute, oui. Mais comme d’habitude, je vais préféré la facilité. »

Il s’était redressé, juste pour s’asseoir au milieu de la route. Il ne savait pas quelle tête il avait actuellement, mais intérieurement, Damon se sentait vide. Vide de toute émotion positive, en tout cas. Parce que les négatives étaient bien présentes. Elles l’envahissaient, comme pour ne laisser aucune place, ni même aucune chance à la lumière de revenir.

« Elle est plus là. Et je suis censé continuer? Pour quoi faire, au juste? »

On aurait dit qu’il découvrait les injustices de la vie, mais en réalité, il en était juste épuisé. Il avait connu ça tout le temps. Avec son père, sa mère, Katherine et ensuite son frère. C’était une roue sans fin qui finissait toujours par lui atterrir en pleine gueule.

LYA

Ce n’était pas une voiture qui allait le tuer, c’était un fait. Le plus efficace, si l’intention véritable de Damon était d’en finir avec la vie, ce serait pour lui de retirer sa bague de jour et attendre sagement que le soleil se lève pour le consumer. Chose que cette jeune femme ne pouvait pas savoir, étant donné qu’elle ne devait même pas soupçonner l’existence des vampires. Elle était humaine, le brun le sentait à son odeur et au sang qu’il pouvait entendre couler dans ses veines. Une simple humaine, loin d’imaginer toutes les créatures qui pouvaient se cacher dans l’ombre la nuit. Manque de bol pour elle, elle venait justement de tomber sur l’une de ces créatures.

Il ne savait pas encore s’il allait la tuer, même s’il finirait par le faire probablement. Après tout, ça finissait toujours comme ça. Parce que c’était dans sa nature et personne n’y pouvait rien. Il savait qu’il finirait par planter ses crocs dans la gorge de cette jeune femme jusqu’à la vider de son sang avant de se débarrasser du corps pour que personne ne la retrouve. Mais pas avant d’avoir vidé son sac, comme pour une séance de thérapie, comme il le faisait à chaque fois. C’était sa manière d’exprimer ses sentiments, sa manière de se décharger avant de passer à la prochaine victime, et cela jusqu’à ce que ce soit suffisant pour qu’il passe définitivement à autre chose.

« Et ben dommage, c’est tombé sur vous. »

Il ne faisait preuve d’aucune compassion, ni même d’un semblant de sentiment positif. Tout simplement parce que tout était devenu sombre à l’intérieur de son esprit. Il n’y avait plus de lumière qui passait, pas de tunnel vers un endroit qui pourrait lui convenir. Juste cette noirceur qui finissait toujours par revenir, quoiqu’il puisse faire. A croire qu’il était condamné à vivre dans la souffrance, ou bien qu’il payait pour tout le mal qu’il avait fait depuis qu’il avait rencontré Katherine. Et même avant, depuis qu’il avait fuit la guerre et qu’il était devenu un déserteur.

Le fait que cette jeune femme lui propose son aide n’était pas bon pour elle. Il aurait bien fait un commentaire graveleux sur le sujet, mais préférait pour l’instant garder le silence. Il avait saisi sa main, se mettant debout sur ses deux pieds avant d’être planté comme un piquet au milieu de la route. Quand la jeune femme répondit à sa question, Damon secoua la tête. La vie? Il était techniquement déjà mort, donc ça ne fonctionnait pas pour lui. Et en quoi pouvait-elle être belle alors qu’il finissait toujours par tout perdre? Ça n’avait pas de sens, tout simplement.

« Des rebondissements qui mènent tout droit dans un mur? Ouais, je connais bien. »

Sa vie - et sa mort - se résumait principalement à ça, après tout. Le premier mur avait été son père, le deuxième la mort de sa mère. Puis la guerre, Katherine, sa transformation, l’Augustine… La liste était longue. Beaucoup trop longue pour son propre bien.

« Je vais presque vous prendre au pied de la lettre. Parce qu’on va rester discuter un peu ici avant que je vous tue. Mais vous n’avez pas à avoir peur. »

Il l’avait regardé dans les yeux en lui disant ces mots, utilisant l’hypnose sur la jeune femme pour qu’elle ne se retrouve pas dans un état de panique.

« Dites donc, vous êtes pas très en forme. »

Il avait remarqué son teint légèrement grisâtre et les traits tirés de son visage. Ce n’était pas normal, si on lui demandait son avis. Elle était sans doute malade. Damon leva alors les yeux au ciel, et mordit son poignet avant de le lui tendre.

« Buvez, ça va vous faire du bien. »

Bon, il ne la tuerait sans doute pas, du coup. Même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait, s’il prenait ce risque, il allait se retrouver avec un vampire nouveau-né sur les bras. Et il n’avait pas très envie d’avoir des problèmes supplémentaires à se traîner, loin de là.

LYA

Damon, irritable? C’était souvent le cas quand il se retrouvait dans ce genre de situations. Après tout, le but de cette démarche, au départ, n’était pas de faire ami-ami avec la personne qu’il avait l’intention de tuer, bien au contraire. Oui, il parlait beaucoup. Il exposait sa vie à de parfaits inconnus qui, de toute façon, ne pourront le répéter à personne. Sauf que lui, contrairement à d’autres, ne perdait pas son temps à payer quelqu’un qui lui donnerait des conseils débiles qu’il n’avait pas forcément envie de recevoir. Il se soignait tout seul, comme un grand. Sans doute pas de la bonne façon, sans doute pas totalement non plus. Mais il fonctionnait de cette manière depuis plus de cent ans maintenant et… Il était toujours en vie. Ce qui était sans doute le point essentiel au final.

« Vous vous excusez souvent, non? »

Il n’en savait rien, évidemment, mais c’était l’impression qu’il avait en regardant cette femme. Elle était sans doute beaucoup plus proche de son frère dans sa façon d’agir que de lui. Son frère, l’irréprochable, le “gentil” aux yeux de tout le monde, même s’il lui était déjà arrivé d’être un monstre. Sauf que lui, contrairement à Damon, n’assumait pas ce côté de sa personnalité qu’il enfouissait profondément sans jamais prendre la peine de l’exploiter. Lui assumait totalement la part sombre qui sommeillait en lui. Il s’en servait, la rendait visible à tous, surtout pour éviter aux gens de trop s’attacher. Parce qu’il finissait toujours par avoir le geste, la parole de trop, celle qui décevait et qui faisait réaliser aux yeux du monde ce qu’il était vraiment: un vampire qui ne détestait pas tellement en être un, qui exploitait sa condition pour vivre ce qu’il avait envie de vivre.

« Et pourquoi le franchir quand c’est plus simple de le contourner? »

C’était d’ailleurs bien son intention, quand il disait qu’il allait la tuer au départ. Pourquoi prendre la peine de l’hypnotiser alors qu’il pouvait juste se débarrasser de son cadavre? Même si, évidemment, il l’hypnotisait quand même pour qu’elle garde son calme face à ses paroles. Mais quand elle se mit à parler à son tour… Et bien, Damon se trouvait être beaucoup moins amusé à l’idée de la tuer. Elle aussi traversait quelque chose qui n’était pas facile, même si c’était bien différent de ce que lui pouvait traverser de son côté. Mais le sentiment se rejoignait sans doute. Elle avait peur de mourir, lui de vivre sans celle qu’il aimait. Il se retrouvait dans ce qu’elle disait, et même si sa part sombre était toujours là, sa part de lumière et de compassion se disait qu’il ne pouvait pas tuer quelqu’un d’aussi… Pure, d’une certaine manière.

« Et vous pensez que vous allez survivre? »

Oui, son tact n’était pas pour autant de retour, en partant du principe qu’il en avait déjà eu. La preuve était qu’il avait finalement mordu son poignet pour lui offrir de son sang sans lui expliquer le pourquoi du comment. Et qu’elle ne semblait pas emballée par l’idée.

« Mon sang peut vous guérir. Peut-être pas totalement, mais vous vous sentirez mieux. »

Et, si elle mourrait avec son sang dans les veines, elle reviendrait. Détail qu’il s’abstenait cependant de lui communiquer, étant donné qu’il y avait très peu de chance pour que cela arrive. Il lui tendait en tout cas toujours son poignet, avec son petit sourire qui montrait qu’elle pouvait lui faire confiance. Du moins là-dessus. Surtout qu’en lui donnant son sang, il n’avait clairement plus l’intention de la tuer ce soir.

LYA

Damon ne s’était pas trompé, sur le fait que Tracy s’excusait souvent. En tout cas, la réaction de la jeune femme lui donnait raison, de quoi lui arracher l’un de ces sourires en coin dont il avait le secret. Il ne se trompait que rarement sur les gens. Katherine était sans doute l’exception qui confirmait cette règle, et encore. Quand il l’avait rencontré, il n’était qu’un humain, il n’avait pas toutes ces années d’expérience derrière lui, et il était aussi beaucoup moins méfiant. Là, il n’avait aucune raison de se méfier. Il était face à une humaine, malade de surcroît, et sans doute beaucoup trop optimiste pour espérer survivre bien longtemps. Mais là encore, peut-être qu’il se trompait. Dans le fond, si elle acceptait de prendre de son sang, elle pouvait encore avoir de nombreuses années d'existence devant elle.

« Régénération accélérée. L’avantage du vampire en une gorgée. »

Il n’était plus à ça près, de lui révéler sa véritable nature. De toute façon, il avait juste à lui effacer sa mémoire pour être certain qu’elle ne le répéterai pas à tout le monde. Et même sans ça, il avait comme l’impression que Tracy faisait partie de ces personnes en capacité de garder un secret aussi important. Surtout si ça pouvait l’aider à se sentir mieux au quotidien. Damon n’était pas certain d’avoir envie d’être une source régulière de médicaments dans l’immédiat, mais au moins, ça lui donnerait une bonne raison de virer de cette route et d’arrêter de se morfondre sur son sort de vampire idiot et malchanceux.

« C’est pourtant le cas. Et le goût est pas si terrible, croyez-moi. »

Il pouvait en attester pour avoir bu celui de Katherine pendant des mois sans être sous l’influence de son hypnose. Il s’était habitué à ce goût et, dans le fond, la puissance qu’une seule gorgée pouvait procurer passait bien au-dessus de tout. Bien sûr, ça ne pouvait pas rendre un humain invincible, mais ça les faisait très clairement se sentir mieux, même pour ceux qui étaient en bonne santé. Alors pour quelqu’un qui était malade, ce serait sans aucun doute une renaissance.

« Vous n’avez pas besoin d’en prendre beaucoup, juste quelques gorgées suffisent. Allez-y. »

Il rajoutait un brin de persuasion à travers son pouvoir d’hypnose pour la convaincre, sans trop en faire. Même s’il lisait le dégoût dans son regard, il pouvait aussi y voir un semblant de curiosité. Et cette curiosité était sans doute suffisante pour que Tracy franchisse le pas, avec un peu d’aide.

LYA