Il pouvait pas s'en empêcher, Will. Impossible de calmer les battements frénétiques de son cœur. Avec sa sacoche de cours pleine à craquer de son matériel de dessin balancée en travers de son torse, il avançait à pas rapides, les mains fourrées dans les poches de sa veste pour les empêcher de trembler. Il s'agaçait lui-même. Il avait vraiment le chic de se mettre dans tous ses états alors que... Il allait simplement revoir Five. Il n'aurait pas dû être aussi nerveux. L'excitation, il la comprenait. Five était devenu en peu de temps l'un de ses plus proches amis ; surtout ici, à Nemaïa. Will avait beau s'être familiarisé avec l'endroit, parfois, il ne pouvait s'empêcher de regarder par la fenêtre de son petit studio en se demandant comment Hawkins se portait, comment ses amis allaient. Il avait depuis longtemps abandonné l'idée de trouver un moyen de rentrer chez lui. Peut-être parce que Nemaïa n'était pas si terrible. Et puis, une part de lui-même ne pouvait pas s'empêcher de se sentir... bien, ici. Quelques fois encore, il était réveillé en plein milieu de la nuit par des cauchemars inspirés de ses nombreux souvenirs traumatiques ; ou il lui arrivait encore, de temps à autre, de tourner à un coin de rue et de soudainement se retrouver planté au milieu du décor lugubre de l'Upside Down. Mais ces occurrences restaient bien moins fréquentes qu'avant. Ici, il ne se sentait plus constamment menacé. Où que Nemaïa se trouve réellement, au moins, elle échappait à Vecna et l'Upside Down.
Alors Will s'était autorisé à vivre. Il avait repris le lycée et c'était là-bas qu'il l'avait rencontré, Five. Difficile de s'entendre au début mais force était de constater que derrière la carapace narquoise de son ami, il y avait bien d'autres choses. Des choses que Will notait du coin de l'œil et qui trouvaient toujours le moyen d'agiter des papillons dans son ventre. Il se demandait régulièrement pourquoi il avait encore fallu qu'il en pince pour l'un de ses meilleurs amis, mais il n'avait jamais trouvé de réponse à sa question. Et comme il l'avait fait avec Mike, il étouffait ses sentiments. Five comptait trop pour lui ; il était hors de question qu'il le perde pour une broutille aussi insignifiante que son stupide béguin. Mais à chaque fois qu'ils se voyaient, Will ne pouvait pas s'en empêcher : il trouvait toujours quelque chose de nouveau à apprécier chez Five et ses sentiments, bien loin de s'amenuiser, ne faisaient que grandir sans qu'il ne parvienne à les retenir. Alors il agissait comme il l'avait toujours fait avec lui, en tentant de dissimuler du mieux possible que chaque regard un peu plus insistant éveillait en lui quelque chose de plus fort que de l'amitié.
Et aujourd'hui, s'il se sentait aussi nerveux, c'était parce qu'il avait rendez-vous chez Five. Ils ne s'étaient pas vus depuis un bon moment et leurs nouvelles études les tenaient également séparés en classe alors ils avaient décidé de se retrouver chez le Hargreeves pour travailler, comme ils l'avaient déjà fait par le passé, même si cette fois ils se contenteraient de s'occuper de leurs propres cours.
Stressé, Will n'arrêtait pas de triturer ses cheveux, tentant de replacer les mèches folles qui s'évertuaient à n'en faire qu'à leur tête en s'élançant dans tous les sens. Il avait toujours été assez conscient de son apparence, Will, sans doute parce qu'elle était l'une des raisons qui lui avaient si souvent apporté les moqueries de ses camarades. Mais depuis que ses sentiments lui jouaient des tours, parfois, il s'attardait un peu plus qu'à l'accoutumée sur l'image que lui renvoyait son miroir, embêté surtout par sa maigreur, celle qui lui avait valu bien des remarques, déjà à Hawkins, sur son potentiel penchant pour les garçons. Même si Will avait su apprendre à faire la paix avec sa sexualité, son apparence, elle, pesait encore beaucoup sur son estime de soi.
Mais il n'avait pas vraiment le temps de s'interroger plus longtemps sur l'image que Five aurait de lui en ouvrant la porte ; déjà, il était arrivé en haut des escaliers et déjà, Five se tenait sur le seuil, la porte grande ouverte. Salut ! lança-t-il avec un grand sourire qu'il n'avait pas à chercher bien loin. Malgré la nervosité qui lui tiraillait le ventre, une forme d'apaisement s'était aussi installé en lui ; parce que ça lui faisait ça aussi, de voir Five. Je suis content de te voir, ne put-il s'empêcher d'ajouter en avançant vers son ami, même si ce qu'il avait plutôt envie de dire c'était Tu m'as tellement manqué. S'il s'écoutait, il était capable de le prendre dans ses bras sans plus de réflexion, mais ce genre d'idées appartenaient au Will qui appréciait un peu trop celui qui était censé n'être qu'un ami. Alors il se contenta de se balancer maladroitement sur ses pieds, priant pour qu'il n'ait pas l'air aussi idiot qu'il avait l'impression d'avoir.
Missed you more than I can say + Five
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- Will Byers
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Dim 17 Nov - 19:20
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- Five Hargreeves
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Re: Missed you more than I can say + Five
Hier à 17:57
@Will Byers
Le cœur battant à tout rompre, Five fixait la porte d’entrée. Il avait tout fait pour que cette journée se passe sans encombre, mais cela n’avait pas été simple. Ce matin encore, l’appartement avait ressemblé à un champ de bataille. Klaus avait ramené son acteur préféré la veille, et comme d’habitude, les deux s’étaient effondrés dans le salon après une nuit de folie dont Five ne voulait absolument pas connaître les détails.
Il avait passé une heure entière à réveiller Angel, d’abord en secouant l’excentrique d’une main agacée, puis en le menaçant de le balancer dehors sans ses chaussures. À force de soupirs dramatiques et de protestations, Angel avait finalement quitté les lieux, non sans laisser quelques remarques moqueuses qui avaient failli faire exploser Five. Ensuite, il s’était attaqué à Klaus.
“Je te préviens, Klaus,” avait-il déclaré en croisant les bras, son regard glacial braqué sur son frère. “Will arrive cet après-midi. Si tu te pointes pour faire une de tes entrées théâtrales, je te colle une balle entre les deux yeux. Une vraie, pas une de mes menaces pour rire.”
Klaus, toujours égal à lui-même, avait simplement levé les mains en l’air, un sourire innocent aux lèvres. “Oh, ne t’en fais pas, petit frère. Je me ferai discret comme une ombre.”
Ce n’était pas rassurant. Mais pour une fois, Klaus semblait avoir pris la menace au sérieux. Il s’était éclipsé dans sa chambre, laissant Five seul avec une liste interminable de choses à nettoyer. Il avait passé des heures à effacer les traces du chaos : ranger les bouteilles vides, remettre en place les coussins éparpillés, et même ouvrir une fenêtre pour chasser l’odeur d’encens douteux que Klaus persistait à brûler.
Maintenant, tout était enfin prêt. La table basse était dégagée, leurs livres et carnets soigneusement empilés. Five avait même sorti deux mugs – un pour lui, un pour Will – et préparé un thé qu’il prétendrait avoir fait “en passant”, alors qu’en vérité il avait passé un quart d’heure à chercher celui que Will préférait.
Le bruit de la sonnette finit par se faire entendre et, dans un bond, Five courut à la porte. Il s’était promis de rester calme, de ne pas se comporter comme un adolescent surexcité, mais ses nerfs avaient pris le dessus. Prenant à peine le temps de remettre en place ses vêtements et de lisser les plis de sa chemise, il ouvrit la porte avec un sourire peut-être plus étincelant qu’il ne l’aurait souhaité. Malgré tous ses efforts pour masquer son trouble, il était sincèrement heureux de revoir Will.
Cela faisait des semaines qu’ils ne s’étaient pas vus, les vacances ayant dressé un mur invisible entre eux, et Five avait ressenti un vide qu’il n’aurait jamais cru possible. Alors, maintenant qu’il se trouvait face à lui, il n’y avait plus de place pour feindre l’indifférence.
« Salut. » dit-il d’un ton léger, presque calme, bien qu’il sente son cœur battre à tout rompre.
Will se tenait là, un sourire timide sur les lèvres, son sac en bandoulière chargé de matériel de dessin, et Five eut l’impression qu’il redécouvrait quelque chose qu’il avait trop longtemps attendu. Il s’effaça pour laisser passer son ami, croisant les bras dans une tentative maladroite de masquer son propre trouble.
« Entre. » ajouta-t-il en désignant le salon. « Et fais comme chez toi. Enfin, dans la limite du raisonnable. Klaus a essayé de faire un effort pour rendre l’endroit vivable, mais ça reste… Klaus. »
Il referma la porte derrière eux, prenant une inspiration discrète pour tenter de calmer la tension dans ses épaules, et guida Will vers la table basse. Il avait soigneusement préparé l’espace : tout était rangé, les carnets empilés et les mugs déjà sortis, un effort qu’il n’aurait fait pour personne d’autre que lui.
Will posa sa sacoche à côté du canapé, ses gestes légèrement hésitants, et Five ne put s’empêcher de le détailler du coin de l’œil. Il y avait dans ses mouvements une retenue presque touchante, comme s’il avait peur de déranger ou de trop s’imposer. Cela tira un sourire à Five, un sourire qu’il tenta immédiatement d’enterrer.
« Tu veux boire quelque chose ? » demanda-t-il en brisant le silence, adoptant un ton plus détendu qu’il ne se sentait réellement. « Thé, café, ou… quelque chose de plus sucré ? J’ai peut-être un peu de jus d’orange qui traîne, si mon frère n’a pas vidé le frigo. Je pourrais aussi sortir les biscuits que Klaus cache pour ses réunions sectaires, mais je te garantis pas qu’ils soient comestibles. »
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