In a hopless place [Psyché & Eros]

Mais qu'est-ce que... ? En le voyant, Psyché avait pâli à l'instant même. Elle était encore Ampelus ici, comme si un charme voulait la rendre invisible aux yeux de ceux qu'elle aimait - celui qu'elle aimait et lui faisait face. Ce monde n'avait pas plus de de pitié pour elle qu'Aphrodite dans ce choix pourtant presque romantique de la dissimuler. Mais Psyché n'était pas d'accord avec ça. Bien sûr, elle devait se racheter de quelque manière que ce soit, son sort restait dans les mains d'Eros et son amour pour elle, si toutefois il y en avait encore après qu'elle l'eût trahi. Mais la réalité demeurait encore trop douloureuse pour la fausse nymphe qui n'espérait qu'une chose : que tout ça s'arrête, qu'on lui enlève sa peine, même si ça voulait dire lui arracher son coeur. C'est bien ce qu'Apollon avait failli réussir. De toutes ses forces, elle aurait voulu être en mesure de se changer devant lui, de redevenir Psyché. Mais la foule, l'absence de maîtrise de ce genre de choses et le fait qu'elle était Ampelus depuis désormais plusieurs mois n'aidait pas. Elle n'était pas en mesure de redevenir elle-même. Etait-ce seulement une bonne idée ? Dans ses bras, son coeur battait à tout rompre, si bien que Psyché en avait même oublié de respirer, complètement prise dans la chaleur des bras du dieu. Puis elle se rappela qu'elle devait lui répondre, au moins ça.

- Eros ! Je suis contente de te voir. Mais que fais-tu là ? Elle n'en savait pas beaucoup sur les lieux, à vrai dire. Les gens ici appellent cet endroit Nemaia, quoi que ça signifie... mais... Comment es-tu arrivé jusqu'ici ?

Tu restes silencieuse un instant, perdue dans tes pensées alors qu'il te tient toujours dans ses bras. Son étreinte, bien que rassurante, te fait également mal. Pas physiquement, mais à un endroit plus profond, là où ta culpabilité réside. Tu veux croire que ce moment est réel, que ce n’est pas un autre tour cruel du destin ou de ta propre imagination. Après tout ce temps, retrouver Eros devrait être une bénédiction, mais au lieu de cela, cela ravive des souvenirs douloureux et des doutes que tu pensais avoir laissés derrière. Parce que tu n'es pas Psyché. Tu es Ampelus. Et cette vérité s'empare de toi alors que tu crèves d'envie de pouvoir retrouver ton identité, ta vraie identité. Mais le destin s'efforce à te dissimuler lorsqu'il le faut.

Il parle de ses pouvoirs perdus et du fait qu’il est entier. Une vague de soulagement t’envahit malgré toi. L’idée que lui, de tous, soit diminué d’une quelconque manière te perturbe, même si tu ne devrais pas te préoccuper de ce genre de détails. Ce n’est pas ta place. Tu es encore dissimulée par la magie qui fait de toi Ampelus, et bien que ce nom te soit devenu familier, il n’est pas toi. Ce n’est pas la vraie Psyché qui est ici, dans ses bras, à Nemaia, ou où que vous soyez réellement.


L’idée que tu puisses lui révéler qui tu es vraiment te hante. Et si tu n’étais plus digne de son amour ? Et s’il avait oublié cette histoire, ou pire, s’il s’en souvenait encore avec la même douleur que toi ? Tu cherches à lui sourire, mais ton cœur s’alourdit. Peut-être qu’il ne te reconnaît même pas. Peut-être que c’est mieux ainsi. De toute façon, où qu'elle soit, Aphrodite ne te le permettrait pas, ce serait briser les règles du jeu qu'elle a établies.

- C’est étrange, n’est-ce pas ? Tu parviens enfin à briser le silence, ta voix tremblante sous le poids de ton secret. J’ai ressenti la même chose. Tout est flou ici, et il y a tellement de choses qui sont inexplicables ici. Je ne sais pas vraiment ce qu'est Nemaia mais ça ne ressemble pas, pour sûr, à l'Olympe. Tes doigts se resserrent instinctivement sur son vêtement, comme si tu avais peur que cette réalité s’efface d’un instant à l’autre. Ou peut-être as-tu peur que lui s’efface, que tu te réveilles sans lui. Une partie de toi espère qu’il ne se souvient pas de toi sous ce masque, que tu pourras continuer à jouer ce rôle d’Ampelus un peu plus longtemps, à ses côtés, même si ce n’est qu’une illusion. Reste à savoir si la magie se dissipera, comme elle l'a déjà fait depuis ton arrivée ici, ou si tu resteras bloquée comme Ampelus encore longtemps.

Sans la moindre surprise, il ne te reconnaît pas. De toute façon, comment le pourrait-il, tu es Ampelus aux yeux de tout le monde. Même tes collègues t’appellent comme ça. Et parmi eux certains savent que tu t’appelles Psyché pour avoir vu cette version de toi. Alors à quoi bon espérer d’Eros qu’il réalise subitement qui tu es ? Tu n’en sais rien, tu n’as pas la force de te battre contre ce que tu préfères appeler la fatalité. Celle-ci ayant curieusement la tête d’Aphrodite, que tu considères désormais comme une personne qui t’es proche. Pire, tu l’affectionnes. Peut-on réellement avoir autant d’affection pour une personne qui complique ta vie par sa simple existence ? Visiblement : oui. Tu retiens de justesse un soupir. Tes pensées n’ont pas besoin d’aller jusqu’à tes réactions physiques.

Tu hausses les épaules.

- Ça fait quelque temps. Suffisamment pour que j’ai un poste depuis un certain temps. Une saison, peut-être deux. Quasiment une moitié d’an, en gros. Tu secoues la tête. Non, je n’ai pas pu en savoir plus. Je… n’ai pas cherché. Tu as tendance à baisser la tête sans attendre autre chose. Une erreur d’après certains, mais peu importe, en vérité. Je préfère aider les gens à être bien accueillis ici que partir à la recherche d’information, seule… Le sous-entendu est trop léger pour qu’il comprenne. Mais tu préférerais n’avoir à ne partir en mission qu’avec lui. Personne d’autre. Certainement pas par toi-même.