French fries and a friend (Yakko & Regulus)

Friench fries and a friend

Regulus aurait voulu avoir sa baguette. Tenir le fidèle morceau de bois dans le creux de sa main est quelque chose qui l’a toujours rassuré, qu’il a la fâcheuse tendance de trouver réconfortant. Non seulement il se sent capable de se défendre, mais en plus de cela, c’est la familiarité de l’objet qu’il aime. C’est comme une extension de sa main, une part du sorcier qu’il est, et en être privé à Nemaia, c’est presque physiquement douloureux.
Le jeune homme hésite depuis plusieurs jours maintenant. Il est passé devant l’endroit quelques fois, il a réfléchi, fait des listes de pours et de contres, il a tenté de préparer son discours, et anticipé sa tenue, pour ne pas faire mauvaise impression, mais quand même se fondre dans la foule, ne pas être trop guindé mais pas trop confortable.
Il sent son livre, dans la poche de sa veste, et cela apaise un peu son angoisse. Parler aux gens, ce n’est pas vraiment pour lui. Regulus fait définitivement partie de ceux qui écoutent. Le sorcier fait un pas en avant, puis en arrière, tente de rassembler son courage. Le restaurant n’est pas bondé, mais est-ce qu’il aurait dû faire une réservation, peut-être ? Ou est-ce qu’il devrait juste entrer et demander une table ? Et si ce n’était pas lui, qui venait le servir ?
Tout cela, c’est très angoissant, et Regulus gère mal l’angoisse. Il essuie ses mains moites sur son pantalon, tire un peu sur son T-shirt - il aurait préféré une chemise, mais il a posé la question à son collègue, et il a dit qu’un T-shirt serait plus adapté - et avance à nouveau d’un pas. Il peut le faire. Il peut, non ? Non.
Regulus recule à nouveau, et repense à tout ce qu’il a accompli en pensant qu’il ne pourrait pas faire depuis son arrivée ici. Survivre, tout d’abord. Trouver un but à sa vie - c’est en projet. Trouver un travail et le garder. Sympathiser avec son collègue - c’est un crush. Économiser. Avoir des loisirs moldus. Lire autant que possible. Aimer sa vie. Ouais, il peut aller dans un restaurant pour manger des frites au cheddar. C’est dans ses cordes.
Il aurait dû demander à Nico de l’accompagner. Nico, il sait gérer ce genre de choses, il reste calme et réfléchi, il reste courtois, enfin il croit. En plus il aurait pu avoir une excuse pour lui tenir la main, et il en cherche une depuis un moment maintenant.
Regulus soupire. Il est trop tard pour penser à tout cela, il ne va pas se dégonfler encore une fois. Le jeune homme prend une grande inspiration, traverse la rue et passe la porte du petit restaurant.

La clochette tinte, et une vieille dame lui indique de s’asseoir à une table, après qu’il ait indiqué venir manger seul. Le soleil se couche, et il semblerait que seuls quelques habitués soient présents ce soir. Regulus s’assoit, et la dame lui apporte un menu, qu’il lit rapidement. Il connaît la carte, il a étudié son projet de venir parler au serveur correctement. Il sait qu’il veut une portion de frites au cheddar, un verre de limonade, et qu’il prendra une part de gâteau à la carotte en dessert.
Un verre de limonade. Il en aurait bien besoin. Il a la gorge sèche, le petit Regulus. Il aurait aimé que Sirius soit là, c’est lui le plus social, c’est lui qui sait charmer et parler. Regulus aimerait avoir les capacités sociales de son aîné, mais il est à Nemaia depuis un bon moment maintenant, et il peine à se faire des amis. Est-ce que c’est très bizarre de venir dans le restaurant où quelqu’un qu’il a croisé à une fête travaille dans l’espoir de faire un peu sa connaissance et d’avoir un ami ?
Oui. La réponse est oui. Diantre, il voudrait se lever et partir, mais il voit le jeune serveur arriver vers lui. Regulus cache son visage derrière le menu, rouge de honte, et espère que personne ne viendra le voir. Il préfèrerait disparaître. Tout sauf se ridiculiser. Il avait l’air drôle, et gentil, le garçon du festival ! C’est pour ça que Regulus s’est dit que ce serait une bonne idée de venir le voir. C’est pour ça qu’il s’est dit qu’ils pourraient bien s’entendre. Il a vu le grand-frère d’un dénommé Wakko - un garçon plus jeune, qui l’a fait tomber au festival - courir après sa fratrie, et il s’est presque vu courir après Sirius. La vérité, c’est qu’il ne sait pas s’ils s’entendraient bien, cet inconnu et lui, mais il aimerait tenter sa chance. Il aimerait avoir un ami.

Friench fries and a friend

Yakko n’aimait pas particulièrement son travail. Il n’avait jamais été un grand passionné de la restauration, et n’était pas particulièrement accro à l’endurance que demander un service les jours les plus remplis. Non, si Yakko travaillait dans ce petit restaurant, c’est parce qu’il a pu s’y trouver un poste une fois qu’il est arrivé à Nemaia. Il lui fallait un salaire pour avoir un appartement et avoir de quoi acheter à manger à Wakko et Dot. Un salaire qui, bien souvent, ne suffisait pas pour ses propres loisirs. En soit, s’il n’y avait pas eu son petit frère et sa petite sœur, Yakko n’aurait probablement jamais travaillé dans un petit restaurant. Un soupir échappa au toon. La journée avait été plutôt calme. Les clients ne se bousculaient pas beaucoup, et avec le soleil qui déclinait déjà, il aurait bientôt fini son service. Ce soir en particulier, Yakko avait hâte de déposer son petit carnet et son uniforme dans son vestiaire pour sauter dans son lit avec un livre et profiter d’un peu de calme. Il faut dire que c’était assez rare les soirs où Wakko et Dot n’étaient pas à la maison, et qu’il n’avait pas assez de courage pour inviter Max à venir alors se cacher pour lire était une bonne façon de profiter de sa soirée bien méritée.

Enfin, c’était sans compter sur une de ces clientes qui venait de lui demander de rapporter son assiette en cuisine pour la troisième fois. S’il y avait véritablement un problème avec son plat, il aurait compris, mais ce n’était pas le cas. Le plat était cuit à la perfection, il n’y avait aucun cheveux ou insecte qui s’était glissé dedans, et la nourriture était de bonne qualité. Néanmoins, la cliente avait tout d’abord dit que sa soupe était froide, avant de dire qu’elle n’était pas assez salée puis que finalement, elle était trop chaude. Si Yakko n’avait pas autant besoin de ce travail, il aurait probablement juste vidé le bol de soupe dans les cheveux de la vieille dame. Prenant une grande inspiration, il se contenta de dire qu’il revient tout de suite en retournant en cuisine pour la quatrième fois. La patience de Yakko commençait à arriver à bout quand la clochette tinta. Sans hésiter, le toon sauta sur l'occasion pour déposer la cinquième assiette de sa cliente devant elle et lui dire qu’il est désolé, il y a un autre client dont il doit s’occuper. Théoriquement, Yakko aurait dû laisser sa collègue servir le nouvel arrivant, mais il savait que s’il retournait voir mamie, elle perdrait son dentier.

Attrapant son petit carnet et son stylo dans sa poche, Yakko s’approcha lentement de la table où sa collègue avait installé son nouveau client, prêt à prendre sa commande. Ce ne fut que quand il arriva à son niveau qu’enfin, il put apercevoir le visage du jeune homme derrière sa carte et qu’il le reconnut. S’il ne connaissait pas son nom, Yakko avait déjà rencontré cette personne. Du moins, le jeune homme avait déjà souffert de l’esprit farceur de Wakko. En effet, alors qu’ils se promenaient au festival qui avait eu lieu un peu plus tôt cet été, Wakko avait décidé qu’il serait amusant de bousculer quelqu’un et ce quelqu’un, c’était le jeune homme caché derrière sa carte. Yakko tapota doucement du bout de son stylo contre son petit carnet, prit une grande inspiration et fit un grand sourire avant d’enfin  se jeter à l’eau.

« Bonsoir, je m’appelle Yakko, je serai votre serveur ce soir. Est-ce que je peux prendre votre commande ? » lança-t-il de la même voix mielleuse qu’il utilisait chaque fois qu’il s’adressait à un client.  « Et si je peux me permettre sur une note un peu plus personnelle, je suis encore désolé pour mon petit frère. »