Six mois. Le terme de cette grossesse n’était plus très loin maintenant, et pourtant, Mia n’était pas encore certaine de vouloir y arriver. Elle était à la fois impatiente de rencontrer sa fille et morte de trouille à l’idée qu’il lui arrive quelque chose. Et c’était très étrange, comme sensation. Chaque sentiment, chaque changement qu’elle ressentait depuis qu’elle avait appris être enceinte était une véritable découverte pour elle. Et elle se demandait si c’était la même chose pour tout le monde. Sans doute, parce qu’elle avait pu lire dans les yeux de Dean qu’il ressentait lui aussi ces sentiments. La première fois qu’il l’avait vu à l’échographie, quand il l’avait senti, quand il lui parlait. Lui aussi aimait déjà ce bébé alors qu’il n’était pas encore véritablement avec eux. Enfin elle, vu que c’était une petite fille. Ce qui n’avait pas grandement d’importance, d’ailleurs. Fille ou garçon, ce bébé aurait été aimé de la même façon.

Et Mia aurait sans doute eu la même faim à cet instant précis. C’était le milieu de l’après-midi, elle avait déjà mangé il y a une heure, et pourtant, mini-Winchester en demandait une seconde ration. Dean était parti prendre sa douche, alors c’est toute seule qu’elle se rendit dans la cuisine pour grignoter un petit quelque chose. Elle avait trouvé son bonheur dans le frigo : des fraises et de la chantilly. Elle avait tout posée sur le plan de travail et venait juste de se sortir un bol du placard quand un mouvement sur le sol attira son regard. Et lui fit perdre tous ses moyens quand elle se rendit compte de ce que c’était. Elle s’était mise à hurler, avant de monter sur le plan de travail aussi rapidement qu’elle le pouvait – et ce qui était loin d’être simple avec un ventre comme le sien.

« DEAN ! »

Elle s’était mise à pleurer, et Dean n’avait pas grandement tardé à arriver en l’entendant hurler. Elle lui désigna alors le coupable du doigt : une souris, qui se baladait tranquillement sur le sol de la cuisine et qui n’avait pas l’air inquiète le moins du monde. Alors que Mia était en panique totale. Impossible pour elle de descendre de ce plan de travail, ni de s’arrêter de pleurer, et encore moins de prononcer le moindre mot supplémentaire. Elle était tétanisée, comme si elle se trouvait face au pire monstre qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer.

Elle n’aurait pas été dans un état de panique aussi intense, sans doute Mia lui aurait balancée une flèche dans un endroit pas très catholique. Sérieusement… Est-ce qu’elle avait l’air de plaisanter? Non, absolument pas. Il était déjà très compliqué pour elle de pleurer en temps normal, mais là entre la souris et ses hormones qui lui faisaient toujours des tours, oui, elle était sérieuse. Et elle n’en avait rien à faire que cette bon dieu de souris soit possédée ou non. Elle existait, elle était dans leur appartement, c’était déjà trop pour elle. Même si ça lui paraissait un peu excessif de tirer une balle sur cette fameuse souris, mais au moins le problème fut rapidement réglé. Par contre le carrelage… Heureusement que Mia n’était pas encore en état de l’incendier parce que le sol n'aurait pas été le seul à prendre cher.

Le tout était maintenant de descendre de ce plan de travail, et ce n’était pas aussi facile que ça en avait l’air. Elle se demandait d’ailleurs comment elle avait réussi à grimper là-dessus quand elle voyait à quel point elle pouvait galérer à redescendre de ce bon dieu de plan de travail. Toujours à moitié en larmes, bien évidemment. Saletés d’hormones, elle commençait à en avoir marre. Mais ça lui donnait clairement une bonne excuse pour se réfugier dans les bras de Dean. Enfin, pas très longtemps, parce que l’odeur de la souris morte à quelques centimètres d’eux était en train de lui remonter dans le nez et de lui donner la nausée. Autant dire que les fraises qui étaient sorties ne lui faisaient plus vraiment envie.

« Tu peux… Ramasser ce truc. L’odeur est insupportable. »

Mia s’était d’ailleurs mise au-dessus de l’évier au cas où sa nausée se transformerait en quelque chose d’encore moins fun. Ce qui ne fut visiblement pas le cas, pour l’instant. Et Dean fut assez réactif pour éviter cette finalité. Une fois les morceaux de souris débarrassés du sol, la blonde se sentait d’ailleurs beaucoup mieux. Et bébé Juliet avait choisi ce moment pour se réveiller et donner des coups. A croire qu’elle applaudissait son père pour son exploit de meurtre de souris. Elle n’était même pas encore née qu’elle était déjà sa meilleure supportrice, visiblement. Ce qui n’était pas vraiment étonnant, si on demandait son avis à Mia. Et surtout quand on voyait déjà à quel point Dean était le plus grand fan de sa fille alors qu’elle n’était même pas encore née.

« Et cette sale souris vient de réveiller ta fille. Elle est en pleine forme, là. »

Ce qui était un détail que Dean apprécierait certainement. Leur vie avait beau avoir une base compliquée, entre la chasse aux démons et dernièrement le pacte que Mia avait passé, ils n’étaient pas si différents que les autres futurs parents. Du moins, ils essayaient de ne pas être si différents. Ou disons plutôt qu’ils possédaient les mêmes préoccupations avec des petits suppléments dans le coin. Ils attendaient simplement avec impatience la naissance de leur fille en espérant que tout se passe bien. Et pour l’instant, c’était globalement le cas. Le dernier épisode atroce qu’ils avaient eu avait été l’accident, six mois plus tôt. Et Mia espérait sincèrement que ce serait le dernier événement dérangeant avant très longtemps. Même si elle avait fait un pacte, elle espérait que Crowley lui laisserait assez de temps pour profiter de sa fille et qu’elle puisse la voir grandir. Même si elle ne la connaissait techniquement pas encore - en dehors de sa version adulte, en tout cas - elle était déjà l’une des personnes les plus importantes de sa vie. Avec Dean, bien évidemment. Mais pour lui, depuis le temps, c’était devenu assez évident. Encore plus depuis qu’elle avait justement fait ce pacte pour lui sauver la vie.

« Je crois qu’elle veut déjà défoncer du démon. Elle tient de toi, c’est sûr. »

Et elle en avait eu encore plus la preuve en se retrouvant face à sa version adulte. Juliet avait clairement pris de son père, et sur beaucoup de points. Beaucoup sur le physique d’ailleurs, et Mia doit bien avouer qu’elle en était un peu jalouse. Neuf mois à la porter pour qu’au final elle soit le portrait craché de son père. Elle aurait dû s’y attendre, le sang des Winchester avait clairement la tête dure. Et ce n’était pas si déplaisant pour elle, même si elle en râlerait sans doute. Il lui fallait bien le caractère de son père pour réussir à l’amadouer quand elle serait plus grande. Surtout en partant du principe que Mia ne serait peut-être pas là pour l’aider, même si elle espérait pouvoir éviter cette fatalité.

En d’autres circonstances, Mia aurait très certainement ri de la situation. Mais avec les hauts le cœur qui l’avaient saisis, elle n’avait très clairement pas envie de rire. Heureusement que Dean était du genre efficace quand il s’agissait de se débarrasser d’un corps. Deux minutes de plus, et l’intégralité de son estomac ce serait sans doute vidé dans l’évier de la cuisine. L’air frais de la fenêtre ouverte lui avait fait du bien, même si ça n’avait pas empêché bébé d’être réveillé par tout ce raffut. Elle était clairement en pleine forme, et Mia n’avait pas pu s’empêcher de le faire remarquer. Et bien sûr, Dean ne s’était pas fait prier pour venir poser ses mains sur son ventre et constater cette agitation soudaine. La blonde avait placé ses mains sur les siennes, alors qu’elle regardait son visage s’illuminer en sentant les coups qu’elle donnait. Il était déjà dingue de sa fille alors qu’elle n’était même pas encore vraiment là. Et clairement, elle ne se laisserait jamais de voir tout l’amour qu’il pouvait bien lui porter.

« Je pense pas qu’ils seront très nombreux. »

Elle en était même certaine, à vrai dire. Et même s’il y en avait qui lui chercherait trop les noises, Mia serait très clairement la première à leur partager sa façon de penser. Elle voulait protéger cet enfant plus que tout, à n’importe quel moment. Même si elle savait que, dans le fond, elle ne pourrait pas toujours le faire. Et pas uniquement à cause de ce pacte qu’elle avait passé. Leur fille aurait sans doute des épreuves à affronter, comme ils en avaient tous eus. Et même si ça lui faisait peur, elle devait se faire à cette idée.

« Je sais… Mais on va devoir l’y préparer, au cas où ça arrive. »

Mia n’avait pas envie de reproduire les erreurs de sa mère et faire croire à sa fille que le monde était tout rose. Surtout qu’elle ne savait pas combien de temps elle allait pouvoir passer à ses côtés. C’était ce qui lui faisait le plus peur, en réalité. Elle rêvait de la voir grandir, de partager tout un tas de choses à ses côtés. Mais elle savait que cet avenir était précaire et particulièrement incertain. Ce qui lui faisait savourer encore plus les instants comme celui-ci.

« Tout ce que j’espère c’est qu’elle se souvienne de moi. »

Elle savait que ça ne plairait pas à Dean d’entendre ça, mais elle avait besoin de lui partager ses insécurités. Elle le faisait d’ailleurs de plus en plus depuis quelques temps. Est-ce que c’était parce qu’elle savait qu’elle n’avait plus beaucoup de temps? Peut-être bien. En tout cas, tous ces instants que Mia partageaient avec lui étaient encore plus précieux.

Avant tout ça, avant de porter la vie à son tour, Mia ne réalisait pas vraiment ce que c’était d’être un parent. Là encore c’était une notion assez floue, même si elle pouvait entrevoir quelques petites choses. Surtout, elle comprenait mieux que jamais certains choix de ses parents. La volonté de sa mère de la protéger, de la garder à l’écart de tout danger. Si elle n’était pas passée par là en tant que fille, elle aurait probablement reproduit ce même schéma. Mais elle savait que mentir et cacher des choses à leur bébé n'amenait rien de bon. La vérité finissait toujours par éclater, quoiqu’il arrive. Et même si les choix de leur fille ne leur plairaient peut-être pas, ils se devaient de lui laisser cette liberté. Une liberté dont ils n’avaient pas bénéficiés eux-même.

« Ce sera à elle de faire ce choix. Et je pense qu’on pourra lui faire confiance pour faire le bon. »

Elle se trompait peut-être, mais elle partait du principe qu’ils lui donneraient tout pour qu’elle soit en possession des meilleures cartes. Ou du moins, que Dean le ferait si elle n’était plus là pour s’en occuper. Une possibilité qui fichait une trouille bleue à Mia, mais qu’elle se devait malgré tout d’anticiper. Même si Dean ne voulait pas l’accepter. Elle réagirait sans doute de la même manière à sa place. D’une certaine façon, c’était ce qu’elle avait fait quand elle avait conclu ce pacte. Elle n’avait pas pu accepter le fait qu’il ne soit plus là, qu’il ne rencontre pas sa fille, qu’il ne soit pas à ses côtés pour la voir grandir. Sauf que là les choses étaient différentes, et bien plus compliquées à résoudre aussi.

« Ça t’en sais rien, Dean. On sait pas si je serais encore là, et dans le cas contraire il faudra que tu tiennes le coup pour elle. »

C’était ça qui lui faisait le plus peur dans le fond. Qu’il s’effondre et qu’il se retrouve submergé. Même s’il n’avait pas envie de l’entendre, elle avait besoin de s’assurer que tout irait bien. Ou du moins, le mieux possible. Mais Dean était buté. Comme toujours, il lui assurait qu’il arriverait à la libérer de ce pacte par tous les moyens.

« Tu peux rien me donner pour me l’assurer, et tu le sais. T’as pas le contrat, on sait même pas où est Crowley. Et je t’interdis de passer ta vie à partir à sa recherche. »

Ce n’était pas ce qu’elle voulait. Peu importait le temps qui lui restait encore à vivre, Mia voulait le passer avec Dean à ses côtés. Elle voulait le passer entourée des gens qu’elle aimait et profiter de ces instants. C’était tout ce qui comptait, après tout. Peu importait si le monde s’écroulait. Elle n’avait pas le sens du sacrifice de son père. Plus maintenant, en tout cas.

Ils avaient, tous les deux, eues des enfances loin d’être banales. Mia avait été entraînée depuis toute petite pour être capable de se défendre, pour devenir l’archère et la femme qu’elle était aujourd’hui. Même si l’intention de sa mère avait été avant tout de la protéger et de la préparer au monde extérieur, elle n’avait pas grandi comme tous les enfants. Elle avait eu cette éducation sans en avoir les fondements de base, d’une certaine manière. Sa mère lui avait caché beaucoup de choses, et elle lui en avait voulu pour ça. Ce n’était pas une chose qu’elle voulait reproduire avec sa fille. Elle voulait lui donner les moyens de se défendre, lui dire la vérité, mais tout en lui laissant le choix. Et c’était rassurant pour elle que Dean soit sur la même longueur d’onde. Lui aussi voulait éviter de reproduire les erreurs de son père. Et même s’ils ignoraient de quoi l’avenir était fait, qu’ils commettraient sans doute des erreurs, la ligne qu’ils voulaient suivre était sans aucun doute la bonne. Du moins, elle l’espérait.

« Non, ça l’est clairement pas. »

Son propre cas en était la preuve, après tout. Mia avait fini par suivre les traces de son père, avec quelques accrochages au passage. Elle s’était retrouvée dans des situations que sa mère n’aurait sans doute pas voulu. Elle avait perdu Zoé, presque tué quelqu’un, et fait un pacte avec un démon. Des épreuves qu’on ne souhaitait aucunement à ses enfants. Tout comme Mia ne souhaitait pas mourir avant de voir grandir sa fille, mais c’était une possibilité qu’elle ne pouvait pas vraiment écarter. Et qui était aussi un sujet de dispute entre eux, c’était indéniable. La situation ne lui plaisait pas plus qu’à Dean, en vérité.

« Non. C’est toi qui risque de mourir si on fait annuler le contrat, il n’en est pas question. »

Parce qu’au final le problème serait le même, mais avec un effet beaucoup plus immédiat. Et ça, ce n’était pas une chose que Mia pouvait accepter. Si elle avait fait ce contrat, c’était bien parce qu’elle ne se sentait pas capable de vivre et d’élever sa fille sans Dean. Retourner au point de départ n’était même pas envisageable. En tout cas, il était certain qu’elle ne le laisserait pas faire, et cela peu importait ses arguments.

Une chose à laquelle elle ne s’attendait pas, par contre, c’était la tournure que cette conversation était en train d’avoir. Enfin… Plutôt le fait que Dean venait de la laisser en plan au milieu de la cuisine pour aller faire elle ne sait trop quoi. Sur l’instant, elle le détestait un peu. Et elle avait aussi envie de le suivre pour lui demander ce qu’il était en train de faire, mais la partie raisonnable de sa personne lui intima de rester dans la cuisine. Elle passa ses nerfs sur quelques fraises qu’elle s’enfila avant qu’il ne revienne. Et elle doit bien avouer qu’elle ne s’attendait pas à ça.

Elle l’écoutait parler, sentant les larmes lui monter aux yeux à chaque mot supplémentaire qui sortait de sa bouche. Elle voulait lui dire tellement de choses à cet instant, mais elle n’arrivait pas à parler. Elle aussi elle l’aimait, plus que tout. Elle aussi avait eu tellement peur quand elle avait appris qu’elle était enceinte. Elle aussi voulait avoir une famille avec lui. Mia n’avait jamais pensé pouvoir aimer quelqu’un de cette manière, et pourtant c’était le cas. Dean avait débarqué dans sa vie comme un boulet de canon, et il avait tout remis en perspective. Il lui avait fait entrevoir cet avenir, même si rien n’était encore sûr pour l’instant. Et ces promesses, c'était tout ce qu’elle voulait. C’était ce qu’elle avait besoin d’entendre alors qu’elle avait si peur de ce qu’il pourrait se passer.

Ce n’est que quand elle le vit mettre un genou à terre qu’elle compris ce qu’il était en train de faire. Et là, les larmes s’étaient à nouveau mises à couler sur ses joues. Elle ne voyait même pas la bague qu’il y avait dans l’écrin, mais ça n’avait pas une grande importance. Elle avait entendue sa question, et elle était elle aussi venue mettre ses genoux à terre pour le prendre dans ses bras.

« Oui, bien sûr que je veux t’épouser. »

Cette réponse était une évidence à ses yeux. S’il y avait bien quelqu’un avec qui Mia se voyait passer le reste de sa vie, c’était Dean, sans aucune hésitation. Elle ne pensait pas en arriver là un jour, mais il n’y avait clairement pas de question à se poser. Pas après tout ce qu’ils avaient déjà traversé ensemble.

« Je t’aime. »

Sa déclaration n’était sans doute pas à la hauteur de celle de Dean, mais elle était plus que sincère. Elle trouvait même que ces simples mots n’étaient pas suffisants pour décrire ce qu’elle ressentait réellement pour lui. C’était un amour bien au-dessus de tous les autres, l’un de ceux qu’on ne ressentait qu’une seule fois dans toute une vie. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer. Mais si ça avait été le cas, Mia aurait passé toute sa vie sans une partie d’elle-même